Accusations d'islamophobie à Sciences Po Grenoble : une enquête ouverte, les professeurs placés sous protection
Ce samedi 6 mars, le procureur de la République de Grenoble a annoncé avoir ordonné une enquête pour injure publique et dégradation, après que les noms de deux professeurs accusés d'islamophobie ont été placardés sur les murs de l'Institut d'études politiques.
C'est une histoire qui fait trembler Sciences Po Grenoble depuis plusieurs semaines et qui s'est accélérée samedi 6 mars, après que les noms de deux professeurs accusés d'islamophobie ont été placardés sur les murs de l'école.
Ils sont accusés par l'Union syndicale de l'IEP (USIEPG) d'avoir tenu des propos islamophobes. L'un d'eux, professeur d'allemand, a estimé, dans des mails rendus publics, qu'une journée consacrée au racisme, à l'islamophobie et à l'antisémitisme serait "une insulte aux victimes réelles (et non imaginaires !) du racisme et de l'antisémitisme".
Dans la foulée, l'USIEPG l'a accusé d'islamophobie et a lancé un appel à témoignages auprès d'étudiants de l'école. Une démarche qui n'a pas plu au professeur qui a alors demandé aux étudiants membres de ce syndicat de ne plus venir à ses cours, une demande à laquelle les étudiants en question ont répondu avec une plainte déposée pour discrimination syndicale, classée sans suite.
Jeudi 4 mars, tout s'accélère : des affiches sont découvertes sur les murs de l'école, accusant nommément ce professeur et l'un de ses collègues d'islamophobie : "Des fascistes dans nos amphis", pouvait-on par exemple lire. Pour l'heure, personne n'a encore revendiqué ces collages.
Une enquête ouverte par la justice et le ministère de l'Enseignement supérieur
Dimanche 7 mars, le procureur de la République de Grenoble Eric Vaillant a ouvert une enquête pour "injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique" et "dégradation ou détérioration légère de bien destiné à l’utilité ou la décoration publique par inscription, signe ou dessin". Deux délits qui peuvent être respectivement punis de 12.000 et 15.000 euros d’amende. L'enquête de la justice sera suivie d'une mission d'inspection demandée le même jour par la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal.
Sciences Po Grenoble a réagi dans Le Figaro en soutenant les deux professeurs : "Ces attaques abjectes sont inacceptables. Sciences Po Grenoble les condamne dans les termes les plus fermes." C'est aussi le cas de certains étudiants estimant qu'il "n'y a jamais eu d'islamophobie dans ses cours". Dans un communiqué publié lundi 8 mars l'IEP de Grenoble indique également qu'il "mettra tout en œuvre pour faciliter le travail" de la mission diligentée par le ministère. "La bonne réalisation des missions de Sciences Po Grenoble s’appuie sur le respect de l’opinion d’autrui et sur un attachement sans faille aux valeurs de dialogue, de bienveillance mutuelle et d’altérité. Garantir les libertés académiques est une exigence non négociable", conclut la direction de l'établissement.
Les professeurs placés sous protection
Contacté par France Bleu Grenoble, le professeur d'allemand a confié craindre pour sa sécurité : "Me traiter d'islamophobe est non seulement diffamatoire mais dangereux, quand on repense à ce qui est arrivé à Samuel Paty, dont le nom avait été jeté en pâture sur les réseaux sociaux". Actuellement en arrêt de travail, il compte désormais assurer ses cours en distanciel et envisage de porter plainte. Interrogé par France 3 Auvergne Rhône-Alpes, il a également contesté toute islamophobie : "J'assume tout ce que je pense, ce que j'ai dit. J'ai des convictions simples, claires, démocratiques, mais pas islamophobes."
Le maire de Grenoble, Éric Piolle, a réagi, dimanche 7 mars, sur BFM-TV. Invité de la chaîne, il "condamne fermement" que des "noms soient ainsi jetés en pâture". Il a également souligné la liberté d'opinion constitutionnelle, pour les enseignants-chercheurs.
Gérald Darmanin a annoncé lundi 8 mars que les deux enseignants avaient été placés sous protection, affirmant avoir été "choqué personnellement", selon l'AFP. Une évaluation de la cellule Uclat (Unité de coordination de la lutte antiterroriste) devrait déterminer s'il existe un "danger particulier", auquel cas les professeurs pourraient être "protégés par la police personnellement", a ajouté le ministre de l'Intérieur.