Un RSA jeunes à Lyon pour "rebondir après un accident de parcours"
Face au refus du gouvernement d’ouvrir le RSA aux 18-25 ans malgré la crise, la métropole de Lyon, dirigée par des élus écologistes, compte présenter en mars un projet de revenu de solidarité réservé aux jeunes en situation de très grande précarité. Explications.
C'est le sujet qui monte à gauche : l'extension du Revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes, durement touchés par la crise. Ces dernière semaines, Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon et même François Hollande l'ont ainsi défendue. "Cette aide d'urgence va être au moins nécessaire, indispensable pour les trois ans qui viennent et elle doit être adressée à tous les jeunes", a par exemple déclaré la maire de Paris dans une interview à Brut.
Ceux qui sont décidés à le mettre en place malgré le gouvernement, ce sont les écologistes à Lyon. Les Verts, qui contrôlent la métropole depuis l’an dernier, souhaitent en effet expérimenter dans les prochains mois un "revenu solidarité jeunes". La métropole ayant besoin de l’accord de l’Etat pour étendre le RSA aux moins de 25 ans, les écologistes ont finalement décidé de créer leur propre dispositif, que nous a détaillé le cabinet du président de la métropole.
Qui peut bénéficier de ce "revenu solidarité jeunes" ?
Le RSA tel qu’expérimenté par la métropole ne sera accessible qu’aux jeunes de 18 à 25 ans en situation de très grande précarité, à savoir ceux sortis du système scolaire ou dans un emploi précaire. Dans une interview à La Croix, Bruno Bernard, le président de la métropole, justifie cette décision par l’impératif de "créer, en urgence, un filet de sécurité pour celles et ceux qui ne peuvent pas en bénéficier". D’après les estimations de la métropole, 2.000 jeunes seraient éligibles à cette nouvelle aide.
C’est une différence notable avec le "vrai" RSA, qui ne peut être ouvert aux moins de 25 ans que s’ils ont exercé un emploi à temps plein pendant au moins deux ans, ou s’ils sont considérés comme parents isolés.
"Il existe déjà un RSA jeunes mais il est très restrictif, nous confirme Rosalie Lédée, chargée de mission au cabinet du président de la métropole. Sur la métropole, seule une dizaine de jeunes avec un métier en bénéficient. On a donc décidé de créer un dispositif ad hoc, sur la base de nos compétences."
Les étudiants, "qui ont accès aux bourses par le Crous", ont en revanche été écartés du dispositif par la métropole, qui souligne le coût important de ce revenu solidarité jeunes.
Quel sera son montant ?
Le revenu de solidarité jeunes sera de 300 euros "pour les jeunes aux revenus inférieurs à 400 euros" et de 400 euros pour ceux sans ressources, détaille la chargée de mission. Là encore, la différence est importante avec le RSA national, dont le montant pour une personne seule - quel que soit son âge - s’élève à 564 euros.
Combien de temps pourra-t-on en bénéficier ?
Les jeunes éligibles auront accès à cette aide pour un total de 24 mois, mais pourront "entrer et sortir facilement du dispositif", assure Rosalie Lédée. Ainsi, un jeune pourrait toucher le revenu solidarité seulement quelques mois, puis y revenir quand il en aura besoin, dans la limite des 24 mois. "On veut que les jeunes puissent rebondir tout de suite après un accident de parcours, sinon on sait que les difficultés risquent de perdurer."
Au bout de trois ou six mois, le jeune bénéficiaire devra néanmoins suivre une formation, sous l’égide d’un référent de parcours qui proposera "une approche globale pour l’insertion, par l’emploi, la santé, l’accès au logement", complète la chargée de mission.
A partir de quand sera-t-il disponible ?
Cette nouvelle aide sera présentée en conseil métropolitain le 15 mars prochain. Les premiers versements sont annoncés à partir de juin. Un laps de temps que Rosalie Lédée justifie par des "questions logistiques : il faut rentrer le dispositif dans notre logiciel, l’expliquer aux équipes, les former pour qu’elles puissent le mettre en place…". La métropole compte également mettre sur pied un site Internet pour que les jeunes sachent quelle aide est la mieux adaptée à leur situation.
Combien coûtera la mesure, et sera-t-elle étendue ?
La mesure coûtera 10 millions d’euros au conseil départemental de la métropole, qui la finance entièrement. Le coût de ce dispositif rend, pour l'instant, difficile son extension. "Nous avons un budget contraint et la crise sanitaire provoque une explosion du nombre de bénéficiaires des aides sociales", sous la houlette de la métropole, explique Rosalie Lédée. Ce qui n’exclut pas des aménagements au bout de quelques mois, lorsque la métropole dressera un premier bilan du revenu solidarité jeunes.
Existe-t-il des dispositifs semblables dans d’autres collectivités ?
Valérie Pécresse, présidente Les Républicains (LR) de la région Ile-de-France, a annoncé le 28 février lancer un "revenu jeunes actifs" de 500 à 670 euros par mois pour les 18-25 ans sans emploi, à condition que ces derniers suivent gratuitement une formation - une différence avec le "revenu solidarité jeunes" lyonnais, où ce n’est pas obligatoire avant quelques mois. "Je suis totalement contre enfermer des jeunes de 18 à 25 ans dans l’assistanat. Je suis pour leur ouvrir la porte d’un travail, d’un emploi", a défendu la présidente de la première région de France au micro de RTL.
Plus au Sud, le président socialiste du Conseil départemental de Haute-Garonne, Georges Méric, pousse lui pour l’extension du RSA aux moins de 25 ans, dont la gestion échoit au département mais qui ne peut l’étendre sans l’aval du gouvernement. "Il y a urgence à soutenir notre jeunesse et à lui donner un horizon pour croire à nouveau en l’avenir", plaide-t-il dans ActuToulouse.
Qu’en dit le gouvernement ?
L’exécutif a opposé une fin de non-recevoir à l’extension du RSA pour les jeunes. Une mesure semblable, proposée par les socialistes, a été refusée par l’Assemblée nationale le 18 février. Et la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a pris la plume dans Le Monde pour dénoncer la philosophie même d’une extension du RSA aux moins de 25 ans : "Aucun jeune en situation de précarité n’aspire à des prestations comme seul horizon. Il souhaite surtout pouvoir trouver une formation ou un emploi pour en sortir", assène-t-elle.
Pousser le gouvernement à se positionner fait bien partie de la stratégie des écologistes, qui souhaitent lancer un débat national sur le RSA jeunes. "La précarité des jeunes ne s’arrête pas aux frontières de la métropole lyonnaise, elle est nationale. Il faut que l’État agisse", réclame Bruno Bernard dans La Croix. "Notre objectif majeur, c’est que le RSA jeunes ou la garantie jeunes soient étendus au niveau national, abonde Rosalie Lédée. [...] On espère que les présidentielles vont remettre le sujet au cœur du débat, et qu’un autre parti sera porté au pouvoir."
Si le gouvernement reste pour l’instant sur ses positions concernant le RSA, le débat sur la précarité des jeunes semble le faire bouger. La garantie jeunes, dont le Premier ministre avait déjà annoncé le doublement des bénéficiaires en novembre dernier, pourrait encore être étendue, nous apprend Les Echos.
Dans un rapport remis début janvier, la commission insertion jeunes du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse préconise d’assouplir les conditions de cette aide de 497 euros pour les étudiants en grande précarité, qui peuvent ensuite bénéficier d’un accompagnement vers l’emploi. Pas si éloigné, finalement, du RSA jeunes version Lyon.
Louis de Briant
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