Réforme de la justice : Eric Dupond-Moretti dévoile son plan pour "redonner confiance aux Français"

Par librariemollat, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=74094343

Dans une interview au Point, le ministre de la justice a dévoilé une partie du projet de loi de réforme de la justice, attendu à l’Assemblée mi-avril. Parmi les mesures annoncées, la réduction des délais d’enquête préliminaire, la suppression des remises de peine automatique et la publicité des audiences font particulièrement débat.

Rétablir la confiance des Français dans la justice. C’est l’objectif annoncé par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, dans son entretien au Point, qui dévoile une partie du plan de réforme, attendu pour la mi-avril 2021. "Si les Français n’ont pas suffisamment confiance dans leur justice, c’est d’abord parce qu’ils la connaissent mal", a-t-il affirmé dans son entretien. Au micro de Léa Salamé et Nicolas Demorand, ce mercredi 3 mars, l'ancien avocat a rappelé les chiffres d'un sondage CEVIPOF qui certifie que "moins d'un français sur deux dit ne pas avoir confiance en la justice".


Au cœur des mesures qui font le plus de bruit : la limitation des délais d’enquête préliminaire qu’il souhaite rendre plus "contradictoire". Il l'affirme dans son entretien au Point : "Une enquête menée dans le secret, sur une durée indéterminée et sans qu’il soit donné au suspect la possibilité de se défendre, est une violation des droits de l’homme."

Mais, en plein cataclysme judiciaire, l’annonce fait surtout écho à l’affaire Bismuth, qui s’est récemment conclue par la condamnation de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison dont un an ferme, pour l’affaire des "écoutes", une première pour un ancien président, et dans laquelle le délai de l'instruction était particulièrement critiqué par la défense. Le ministre de la Justice s’est, quant à lui, défendu, lors de son entretien dans la matinale de France Inter, mercredi 3 mars, d’un quelconque lien de cause à effet entre cette annonce et le procès . "Je n’ai pas commencé à réfléchir à cette mesure avec cette affaire", a-t-il rétorqué à la chroniqueuse Léa Salamé.

Supprimer les remises de peine automatique pour favoriser "l'effort"

L’ancien avocat a également mentionné, dans son entretien au Point, sa volonté de supprimer les remises de peine automatique, qui permettent des réductions de peine aux détenus, calculées en fonction de la durée d’emprisonnement. "L’automaticité c’est fait pour les machines et pas les êtres humains", s'est-il justifié dans la matinale de France Inter. Pour lui, cette suppression valoriserait les "efforts" des détenus aux yeux de la société.

La mesure fait débat, et inquiète une partie du monde de la justice quant à une possible explosion de la population carcérale. Ce à quoi le ministre a également répondu mercredi 3 mars à l'antenne de Léa Salamé et Nicolas Demorand : "Les peines automatiques sont une façon hypocrite de réguler la population carcérale". Il a également ajouté réfléchir à d'autres dispositions pour agir contre la surpopulation des prisons françaises.

Filmer et diffuser les procès pour plus de “pédagogie”

Autre mesure explosive : la possibilité de filmer et diffuser les procès, pour permettre, selon le ministre, de "mieux connaître leurs institutions". "Il ne s'agit pas de verser dans le trash, le sensationnalisme. L'idée est de prendre les citoyens qui le souhaitent par la main (...) et leur montrer comment ça marche", s'est-il expliqué dans son entretien.

L’ancien avocat avait, en réalité, déjà fait part de sa volonté, lors de sa prise de poste, l’année dernière. Lundi 28 septembre 2020, dans un long entretien au Parisien, il affirmait:  "Je suis pour que la justice soit filmée et diffusée. La justice doit se montrer aux Français. La publicité des débats est une garantie démocratique." 

L’idée a déjà, par le passé, été au cœur du débat public. Comme en décembre 2019, lorsque le Conseil constitutionnel a réitéré son refus de revenir sur l'interdiction de prises d'images et de sons pendant les procès. Pour rappel, la présence de caméras, micros, appareils photo en salle d'audience est interdite par la loi depuis 1954. Depuis lors, plusieurs procès ont fait l'objet d'une captation, comme celui de Klaus Barbie, en 1987, après l'entrée en vigueur de la loi Badinter, en 1985. Récemment, le procès des attentats de 2015 a également été ouvert aux caméras.

Le projet de loi de réforme de la justice est attendu pour la mi-avril, et doit être discuté par le Parlement dans le courant du mois de mai.

Rachel Rodrigues

🧑‍🍳 On vous recommande