Précarité : près de six jeunes sur dix ne demandent pas les aides auxquelles ils ont droit

Le non-recours aux aides s'expliquerait en partie par une articulation entre ignorance des aides et refus de celles-ci, explique le chercheur Benjamin Vial. Crédits : jarmoluk

Un chercheur a constaté que plus d’un jeune sur deux ne demande pas à bénéficier des aides auxquelles il a pourtant droit, par refus ou par ignorance. Un bilan alarmant alors que le gouvernement débat de l’extension du RSA aux moins de 25 ans.

Des jeunes qui ne connaissent pas leurs droits ou qui n’osent pas y recourir. C’est le constat que dresse, dans sa thèse, le chercheur en sciences sociales Benjamin Vial, rattaché au laboratoire Pacte de l’université Grenoble Alpes et membre de l’Observatoire des non-recours aux droits et services. 56 % des 18-30 ans seraient dans cette situation, affirme l’universitaire, qui a mené une cinquantaine d’entretiens avec des jeunes qui n’étaient ni en formation, ni en cours d'études.

Au cœur de la thèse de Benjamin Vial figure une étude de 2016 de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) et du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), menée sur 4.000 jeunes de 18 à 30 ans. Cette dernière montre que 18 % d’entre eux ont été en situation de non-recours à une aide publique et que 38 % ne savent pas s’ils ont été dans cette situation. En supposant que certains jeunes ne connaissent pas leurs droits, les auteurs de l’étude estiment à 56 % le taux de jeunes ne recourant pas aux aides publiques alors qu’ils en ont le droit.

Le manque de moyens et de places, premiers responsables des non-recours

"J'ai remarqué qu'il y avait chez les jeunes une articulation particulière où la non-connaissance (je ne connais pas mes droits donc je ne suis pas en mesure de les demander) et la non-demande (je connais mes droits, mais ne les demande pas) s'alimentent mutuellement pour produire ce que j'ai qualifié de non-concernement", détaille Benjamin Vial dans un entretien à l'AFP. 

Selon le chercheur, ce non-recours peut certes s’expliquer par la volonté d’indépendance des jeunes, mais avant tout par le “manque de moyens humains” des institutions et des professionnels et le “manque de place dans les dispositifs”. “Si tous les jeunes éligibles demandaient leurs droits, cela créerait une saturation, assure-t-il [...]. C’est d’ailleurs déjà le cas sur certains territoires particulièrement touchés par la pauvreté et la précarité.”

Le retour aux aides sociales se fait en fonction de trois critères, établit Benjamin Vial. Il y a déjà “la réaffiliation institutionnelle”, soit le besoin pour les jeunes de s’inscrire dans la norme, de trouver sa place au sein de la société. “L’envie d’une autre vie”, plus stable, plus adulte, loin de la précarité, constitue le deuxième critère. Enfin, “faute de pouvoir se débrouiller par leurs propres moyens”, “les personnes se résignent à solliciter l’aide publique”, mais sans se projeter dans une formation. “Il est donc beaucoup plus compliqué de les accompagner”, conclut l’universitaire.

Le débat sur le RSA enfermé dans un “faux dilemme”, selon le chercheur

Le débat est d’importance alors que le gouvernement se refuse jusqu’ici d'étendre le RSA aux moins de 25 ans. “Je pense qu’on construit sa vie par le travail, défendait Bruno Le Maire sur BFMTV, le 15 janvier dernier. On construit sa vie par l’emploi que vous trouvez, par l’engagement que vous avez dans votre profession, c’est ça qui vous fait grandir.” “Ceux qui défendent un RSA jeune, je pense qu’ils ne répondent pas à ce dont les jeunes ont besoin”, a abondé, sur la même chaîne, sa collègue Élisabeth Borne, ministre du Travail, dimanche dernier.

Benjamin Vial, lui, juge ce débat enfermé dans “un faux dilemme”, où l’accès au RSA prévaudrait d’un côté et la dégradation de l’accompagnement de l’autre. Les deux sont pourtant conciliables, juge-t-il, car le vrai risque réside dans l’absence de revenu minimum, qui “encourage, sinon oblige les jeunes à se passer de l’aide publique et à faire le pari du marché de la précarité”.

La liste des droits sociaux auxquels vous êtes éligible figure sur le site mesdroitssociaux.gouv.fr 

Louis de Briant

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