[PORTRAIT] Karima Delli, la transfuge qui a la niaque
Elle sera la représentante de la gauche pour les élections régionales de juin 2021. A 42 ans, l’écologiste Karima Delli vient d’être choisie comme tête de liste de la gauche unie dans les Hauts-de-France. Portrait d’une militante au parcours inspirant.
"C’est fait !", s'est-elle réjouit sur Twitter. Karima Delli, eurodéputée écologiste du Nord, sera la cheffe de file de la gauche pour les régionales dans les Hauts-de-France. Que de chemin parcouru pour cette Tourquennoise de 42 ans. Fille d’un ouvrier textile et d’une mère au foyer venus d’Algérie, elle grandit dans un milieu populaire, au sein d’une fratrie de treize enfants. Un cadre de vie qui forge ses convictions, comme elle le raconte dans son livre La politique ne me fait pas perdre le Nord. "Je n'ai jamais manqué de rien, mais comme dans toute famille nombreuse, on faisait attention à tout : l'eau, l'électricité, le chauffage, l'alimentation", expliquait-elle pendant sa campagne aux primaires d'Europe Écologie-Les Verts pour l'élection présidentielle de 2017.
Qualifiée de "miracle sociologique" par Rémi Lefebvre, un de ses professeurs de SciencesPo Lille, son parcours en impressionne plus d'un, à commencer par elle-même : "Karima ne pensait pas en arriver là un jour", glisse Katy Vuylsteker, secrétaire régionale d'Europe-Ecologie-les Verts (EELV) dans les Hauts-de-France.
"Un parcours hors du commun"
Bonne élève et décidée à réussir, Karima Delli obtient un BTS action commerciale, poursuit à la fac de droit puis intègre SciencesPo Lille. "Elle a un parcours hors du commun, vraiment admirable", souligne Katy Vuylsteker, "et un courage pas possible", ajoute Rémi Lefebvre. Après ses brillantes études vient le temps de la politique. Karima Delli fait ses armes vertes au Sénat, en tant qu’assistante parlementaire de la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin. Dans les coulisses du palais du Luxembourg, elle prône une "écologie populaire au service des plus fragiles" et prend sa carte chez les écolos où elle monte rapidement les échelons.
Secrétaire fédérale des jeunes Verts, sa persévérance et sa rigueur séduisent Daniel Cohn-Bendit, le fondateur du parti écologiste, qui la place à la 4e position sur la liste EELV pour l'Île-de-France aux élections européennes. Grâce à un score inattendu des Verts, elle se retrouve propulsée à Bruxelles à 29 ans seulement, devenant la deuxième plus jeune députée de l'Union européenne. "Karima n’avait même pas dit à ses parents qu’elle était candidate. Quand elle a su qu’elle était élue, elle les a appelé à 2h du mat’ en leur annonçant la nouvelle. Son père ne l’a pas crue, il a dit ‘arrête tes bêtises‘ et il a raccroché, raconte Katy Vuylsteker. Cette histoire en dit long sur sa modestie et son humilité."
"Madame logement" et mouvements sociaux
Celle qui a "envie de changer le monde sans faire la gueule" n'a plus jamais quitté son siège parlementaire : réélue en 2014 puis en 2019, elle devient la "Madame logement" du Parlement, mettant un point d’honneur à travailler sur la question du logement social. Depuis près de quatre ans, elle préside la Commission transport et tourisme, un des plus gros budgets européen. "C’est une bosseuse, une technicienne qui tient ses dossiers", précise Katy Vuylsteker, admirative. "Présider une commission européenne, c’est pas rien. Il faut une énergie de dingue, mais elle l’a", décrypte son ancien professeur Rémi Lefebvre.
Une énergie débordante qu’elle met aussi aux services de causes qui lui tiennent à coeur. Malgré son mandat d’eurodéputée, Karima Delli continue de militer sur le terrain au sein des collectifs Jeudi Noir, spécialisé dans la lutte contre le mal logement des jeunes, et Sauvons les riches, pour l’instauration d’un revenu maximum européen. "Un pied dans les institutions et un pied dans le mouvement social", comme aime le dire la quadragénaire. "Elle a une sacrée force de caractère", conclut Katy Vuylsteker. Du caractère, il en fallait pour rallier tous les partis de gauche à ses côtés. Reste à savoir si cela suffira à faire basculer les Hauts-de-France en juin prochain.
Louise Gerber