INFOGRAPHIE - Élections aux Pays-Bas : "Mister Teflon" repart pour un quatrième mandat

Mark Rutte est le dirigeant européen à la plus grande longévité, après Angela Merkel. Crédits : Pixabay

Mark Rutte, au pouvoir depuis 2010, a remporté haut la main les élections législatives néerlandaises, ce mercredi. Le dirigeant libéral a pourtant essuyé plusieurs polémiques liées à sa gestion de la pandémie. Certains scandales pourraient écourter son nouveau mandat.

INFOGRAPHIE - En Rutte pour un quatrième mandat ! Mark Rutte, le Premier ministre conservateur des Pays-Bas a remporté mercredi 17 mars les élections législatives pour la quatrième fois consécutive. Le scrutin, à la proportionnelle, est largement dominé par son parti, le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VDD), qui passe de 33 à 36 sièges. Sa coalition, qui rassemble également sociaux-libéraux et chrétiens-démocrates, devrait être reconduite sans difficulté. Désormais au pouvoir depuis 2010, il a acquit le surnom de "Mister Teflon", ses compatriotes saluant sa résistance à la tête du pays.

L'extrême-droite arrive troisième

D66, l’un des membres de cette coalition, est l’autre grand gagnant de la soirée, avec cinq sièges supplémentaires. Un fait d’autant plus remarquable que cette formation a fait campagne sur l’attachement à l’Union européenne, dans un pays où celle-ci est plutôt décriée, explique Le Monde. Les deux autres membres de la coalition, nettement plus petits, reculent légèrement.

Quant à l’extrême-droite, elle n’a pas obtenu les scores espérés. Si le Forum pour la démocratie fait mieux qu’attendu, le Parti pour la liberté de Geert Wilders perd trois sièges et passe de la seconde à la troisième place. Il y a quatre ans, son chef caressait encore l’idée de se hisser jusqu’à Catshuis, la résidence officielle des Premiers ministres néerlandais.

La première élection en Europe depuis le début du Covid-19

Les partis au pouvoir sortent renforcés de cette élection législative, la première en Europe depuis le début de la pandémie de Covid-19. Les Pays-Bas ont pourtant été durement touchés par la crise du Covid-19. Le royaume a enregistré 95 décès liés au Covid-19 pour 100 000 habitants, moins que la France (136) ou le Royaume-Uni (194), mais à un niveau similaire à celui de l’Allemagne (91). 

Conséquence de cette situation sanitaire, un couvre-feu est toujours en vigueur aux Pays-Bas, de 21 heures à 4h30, les restaurants demeurent fermés et les magasins, uniquement accessibles sur rendez-vous.

Le gouvernement a également connu son lot de polémiques, comme les débuts poussifs de la campagne vaccinale, qui n’a commencé aux Pays-Bas que le 8 janvier dernier, ou les émeutes anti-restrictions dans plusieurs grandes villes du pays mi-janvier.

Malgré la crise, Mark Rutte écrase la gauche

Malgré ces crises, le Premier ministre reste plus populaire que jamais. Outre son style, simple et sans fioritures, Mark Rutte est salué pour sa souplesse et son pragmatisme, qui allie progressisme sur les questions sociétales, libéralisme économique et strict contrôle des dépenses, rapporte Le Journal du Dimanche. A ceux qui critiquent son supposé manque d’ambition, Mark Rutte répond toujours : “Si vous cherchez une vision, allez chez l’opticien.”

Cette capacité attrape-tout représente un problème de taille pour la gauche, qui n’a jamais gouverné seule, mais uniquement en coalition avec les libéraux, et n’est plus au pouvoir depuis 2002. Dimanche, la gauche a rassemblé moins d’un quart des voix, contre près d’un tiers il y a quatre ans.

D’après Cas Mudde, politologue néerlandais, cela s’explique par le peu d’espace que lui laisse la droite sur les questions sociétales, pourtant l’un de ses chevaux de bataille. “La réputation des Pays-Bas comme pays progressiste a toujours été davantage fondée sur des thématiques socio-culturelles, comme les drogues, la liberté des mœurs ou la sexualité, que sur des thématiques socio-économiques, comme le pouvoir des syndicats ou la force de l’Etat-providence, écrit Cas Mudde sur le site de la London Schools of Economics. Cet agenda progressiste a été mis en œuvre, parfois dans les mêmes proportions que la gauche, par des partis de droite sur les questions socio-économiques”, comme D66 ou le VVD. 

S’il est conservateur sur les questions européennes ou migratoires, Mark Rutte est ainsi en faveur du mariage pour tous, de l’avortement ou de l’euthanasie. Face à la capacité des partis de centre-droit à accroître leur électorat, certains électeurs de gauche auraient alors fait le choix de soutenir sa composante la plus progressiste, D66.

Des investigations en cours qui pourraient pousser Mark Rutte à la démission

Fort de cette quatrième victoire, Mark Rutte paraît parti pour rester au pouvoir jusqu’en 2025. Après Angela Merkel, il est le dirigeant européen en place depuis le plus longtemps.

Plusieurs commissions parlementaires pourraient toutefois écourter ce nouveau mandat. L’une s’est constituée sur la gestion de la crise sanitaire, une autre sur les difficultés des habitants de la région de Groningue, où a lieu l’exploitation d’un des plus grands gisements de gaz d’Europe. Une troisième commission, enfin, s’est formée pour faire la lumière sur le scandale “des allocations”. 

En janvier dernier, le gouvernement de Mark Rutte avait démissionné à la révélation de cette affaire. À partir de 2014, l’administration néerlandaise a enquêté sur de possibles fraudes aux allocations auprès de milliers de familles, sur la base de fausses informations. Certaines avaient été privées de leurs aides ou contraintes de rembourser des milliers d’euros. “Il sera très difficile pour Rutte de résister à ces investigations, estime au JDD Joost de Vrie, journaliste néerlandais. Il devra probablement démissionner. Mais il n'y a personne pour le remplacer.” Gageons que “Mister Teflon” saura une nouvelle fois trouver la parade.

Louis de Briant

🧑‍🍳 On vous recommande