Macron, Booba, FC bienveillance... On a passé 2 heures avec François Hollande sur Twitch
Invité du journaliste Samuel Étienne dans le cadre, inédit pour lui, d'une émission sur la plateforme, l'ancien président de la République a répété, entre deux considérations sur Booba et McFly et Carlito, qu'il regrettait ne pas s'être représenté en 2017.
Entendre François Hollande parler du "FC Bienveillance", vous en avez rêvé ? Samuel Étienne l'a fait. Adepte de Twitch depuis plusieurs mois, l'animateur de la matinale de franceinfo et du jeu télé Questions pour un champion a franchi un nouveau cap dans ses rendez-vous avec les internautes. Après les revues de presse, après avoir reçu Élise Lucet dans son stream, c'est désormais un ancien président de la République que le journaliste a invité sur Twitch, lundi 8 mars au soir.
Sur cette plateforme destinée (à l'origine) aux joueurs de jeux vidéo, la discussion en direct avec les spectateurs est reine. Mais pour éviter les trolls, le chat avait été limité aux abonnés depuis plus de trois mois de Samuel Étienne, les fameux membres du "FC Bienveillance", un surnom pour caractériser des internautes polis et respectueux.
20h32, la caméra s'allume. Les habitués reconnaissent l'appartement de Samuel Étienne, celui depuis lequel il fait ses streams quotidiens. À ses côtés, l'ancien président de la République. "Comment dois-je vous appeler ?" "François", répond l'invité du jour. Environ 20.000 internautes sont déjà là. Un chiffre qui va progressivement grimper durant les deux heures et demi de discussion, jusqu'à 90.000 spectateurs en simultané. En fin de soirée, le stream était même le plus regardé au monde.
Un mandat et des regrets
"Je suis soucieux de transmettre mon expérience. C'est important la transmission." L'ancien président de la République est notamment revenu sur son expérience à l'Élysée et les regrets qu'il éprouvait à l'issue de son quinquennat. Notamment celui, déjà exprimé en 2019, de ne pas avoir concouru à un second mandat : "Mon plus grand regret, c'est de ne pas m'être représenté, d'une certaine façon. [...] Je l'ai annoncé trop tôt." Il a également exprimé d'autres regrets, comme "la loi El Khomri", et le fait "qu'elle ait généré autant de manifestations" ou encore la loi sur la déchéance de nationalité : "Elle a fracturé la majorité, ce n'était sans doute pas souhaitable." À propos de son couple et de sa rupture alors qu'il était à l'Élysée, il indique qu'il "aurait eu une gestion différente de sa vie privée" avec le recul. "Je n'ai pas suffisamment protégé ceux qui faisaient partie de ma vie privée", a-t-il ajouté.
Un mandat qui a aussi été l'occasion de vivre plusieurs attentats. Des moments durs, mais qui ont donné lieu à des souvenirs très marquants pour l'ancien président. Au sujet du 11 janvier 2015, jour des manifestations populaires après l'attentat contre Charlie Hebdo, il s'est confié à Samuel Étienne. "Ce jour, c'est le pire et c'est le plus beau, parce que des millions de personnes sont dans la rue, parce que je suis entouré de chefs d'État, parce que la France est regardée dans le monde comme le pays des droits et de la liberté. Je me suis dit : là il se passe quelques chose de grand, de fort." Interrogé au sujet de ses homologues les plus marquants, sa réponse a été sans appel : "Le plus coriace, le plus dur, le plus direct, le plus violent, le plus brutal, c'est Vladimir Poutine."
Emmanuel Macron "plus à droite qu'il ne l'avait annoncé"
François Hollande n'a pas hésité, sous couvert d'ironie, à pointer le manque de reconnaissance de son successeur à son égard. Alors que Samuel Étienne expliquait aux internautes qu'Emmanuel Macron avait été ministre de l'Économie sous le mandat de François Hollande, ce dernier a réagi : "Vous faites bien de le rappeler, parfois lui-même ne s'en souvient plus."
Interrogé sur la politique menée par le chef de l'État actuel, l'ex-président socialiste le qualifie de "plus à droite que ce qu'il avait annoncé. C'est plutôt les ministres de droite qui sont dans la lumière." Il a toutefois précisé ne pas avoir eu d'entretien avec Emmanuel Macron depuis juin 2020.
Abordant la gestion de la crise sanitaire, François Hollande s'est montré plus réservé : "C'est une épreuve de vivre une crise aussi longue. Il y a toujours des erreurs, des défauts d'anticipation, mais on a besoin de moins de polémique que d'unité." "C'est tellement facile" de critiquer le gouvernement, avance-t-il.
Impossible pour autant pour l'ex-président de ne pas souligner une certaine centralisation du pouvoir : "J'aurais confié beaucoup plus de décisions à prendre aux maires des villes." Tout ça m'a paru extrêmement centralisé. Mais ça reste très compliqué." François Hollande a précisé qu'il n'était pas vacciné contre le Covid-19, n'ayant pas l'âge requis, ni de maladie le rendant prioritaire à la vaccination.
Critique à l'égard du gouvernement, il l'a également été envers sa propre famille politique, dressant un constat sévère : "Il n'y aura pas un candidat unique de la gauche, sauf si les électeurs en décident. Les sondages d'aujourd'hui indiquent que la gauche est dispersée et ne peut pas accéder au second tour."
Des propositions politiques
Sollicité par les internautes sur plusieurs questions politiques, François Hollande n'a pas hésité à formuler des propositions, sans évoquer toutefois un quelconque retour en politique. "Il faut sans doute consulter plus régulièrement les Français. Sur une ou deux questions par mandat présidentiel, on pourrait l'évoquer. Je serais pour que le mandat du président soit de six ans, pas forcément unique. Les élections législatives devraient venir tous les quatre ans et le président n'aurait pas toujours une majorité", a-t-il notamment détaillé, également favorable à une éventuelle reconnaissance du vote blanc.
Pour les jeunes, il esquisse l'idée d'un "capital de 15.000 ou 20.000 euros à la naissance, une dotation de l'État pour assurer une partie de sa vie."
Un concours d'anecdotes ?
Les discussions se sont poursuivies sur de nombreux sujet abordés par les internautes comme le Bitcoin, l'Algérie, les codes nucléaires, la légalisation du cannabis, l'annulation de la dette ou... le hip-hop. "Oui, j'écoute Booba", reconnaît François Hollande. Plat préféré et séries télé ont aussi été au menu de l'entretien. Si vous rencontrez l'ancien président, vous pourrez ainsi discuter avec lui de la dernière série d'Arte, En thérapie, ou du classement en Ligue 1 de l'AS Monaco, le club qu'il affectionne particulièrement. Pas fan de la chanson de McFly et Carlito, il se révèle "très classique" en cuisine. "Entrecôte-frites. Sauce béarnaise." Même Meghan et Harry ont trouvé leur place dans le stream le temps de quelques échanges.
Un entretien proposé "à la maison" et "au culot" par le journaliste, après des échanges avec le président, curieux de son initiative. "Je ne vais pas regarder des séries, je vais regarder Twitch", conclut François Hollande. Pas très normal pour un ancien président.
Marianne Chenou