Loi Climat : les quatre mesures qui vont enflammer le débat à l’Assemblée
La commission spéciale de l’Assemblée nationale commence ce lundi 8 mars l’examen des 5.000 amendements déposés sur les 69 articles du projet de loi "Climat et résilience". Entre une opposition remontée et une majorité divisée, cet examen qui doit durer deux courtes semaines s’annonce électrique.
Deux semaines, c’est bien court pour juger de la recevabilité des 5.000 amendements des députés sur le projet de loi "Climat et résilience" qui reprend quelques propositions de la Convention citoyenne pour le climat. C’est pourtant le délai imposé à la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale qui a quinze jours pour déterminer si chaque amendement est bien lié à la loi examinée. C’est aussi le début d’une bataille qui ne divisera pas seulement les oppositions à LREM mais également plusieurs tendances au sein de la majorité.
Des rangs de l’opposition jusqu’à l’aile gauche de LREM, nombre des amendements déposés proposent de renforcer les mesures de la loi. La Convention citoyenne et le Haut Conseil pour le climat ont dénoncé un manque d’ambition par rapport à l’objectif affiché, "une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990)". Quatre points en particulier devraient susciter des débats enflammés.
Jusqu'où imposer la rénovation thermique des logements ?
Les articles 41 et 42 du projet de loi interdisent l’augmentation des loyers pour les logements classés "F" et "G" dans leurs diagnostics énergétiques, les passoires thermiques et l’interdiction de leur location à partir de 2028. Les citoyens de la Convention citoyenne prônaient de leur côté une véritable obligation de rénovation de ces logements.
De son côté, le Haut conseil pour le climat (HCC), organisme indépendant créé en 2019 pour suivre l’application de l’Accord de Paris, regrette dans un rapport publié en février que ces mesures "ne s’appliquent pas aux propriétaires occupants (qui représentaient 58 % des occupants de passoires thermiques en 2018) et ne prévoient pas d’extension progressive aux autres classes énergétiques".
Emmanuel Macron avait de son côté expliqué devant la convention citoyenne en juin 2020 qu’il ne voulait pas interdire totalement ce type de logements car certains auraient les moyens de conduire des travaux de rénovation "et d’autres non". Ce qui n’a pas empêché la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, d’annoncer dans une interview à Reporterre que la rénovation thermique était "un des points non aboutis encore dans la loi", laissant la porte ouverte à un durcissement des mesures.
Le trafic aérien intérieur finalement peu restreint
L'une des mesures les plus citées est la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs. La Convention citoyenne avait proposé d'interdire "les lignes où il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps sur un trajet de moins de 4 heures". La proposition de loi reprend cette idée mais réduit cette limite aux trajets de moins de 2h30.
"Cette limite fixée à 2h30 est beaucoup trop basse, et une partie de ce trafic pourrait par ailleurs être maintenue lorsqu’il s’agit de transporter des passagers en correspondance" s’est alarmé le Haut conseil pour le climat. L’opposition, par la voix de la députée écologiste Delphine Batho et François Ruffin pour LFI, devrait se saisir de l’occasion pour dénoncer un article vidé de son ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En 2019, ces deux élus ont porté une mesure similaire dans une proposition de loi mais avec des règles plus contraignantes, comme l’impossibilité d’y déroger dans le cas où le voyageur serait en correspondance.
L’option végétarienne dans les cantines divise la majorité
Le projet de loi propose que "dans les collectivités locales volontaires" soit "expérimenté" un menu végétarien quotidien. Une expérimentation qui a déjà été mise en place par la loi Egalim en 2019 dans une temporalité hebdomadaire. Écolos comme membres de la Convention citoyenne réclament que ces menus soient proposés quotidiennement et systématiquement, bien au-delà d’une "expérimentation".
Ce sujet plus qu’un autre pourrait diviser la majorité. Fin février, la polémique sur le choix de la Métropole de Lyon de ne proposer qu’un plat végétarien pour le temps de la crise sanitaire a ainsi révélé d’importantes fractures entre des ministres sur le sujet du régime alimentaire végétarien. Face au ministre de l’Intérieur dénonçant une "idéologie scandaleuse" et celui de l’Agriculture défendant que la viande était essentielle pour "bien grandir", Barbara Pompili évoque alors des "clichés éculés". Un débat qui pourrait être relancé, et diviser les ailes droite et gauche de la majorité.
L’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles agace Bercy
Alors que la Convention citoyenne promeut l'interdiction de faire la publicité "des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires", l’article 4 du projet de loi ne cite que la publicité qui citent directement les énergies fossiles. "L’article 4 visant à réguler la publicité ne porte que sur les énergies fossiles et non plus largement sur un ensemble de biens et services manifestement incompatibles avec la transition, tels que les véhicules lourds et peu aérodynamiques (SUV, etc.) ou certains produits alimentaires", regrette le Haut Conseil pour le climat.
"Il n'y a quasiment rien dans le projet de loi", dénonce de son côté le député ex-LREM Matthieu Orphelin. "Jusqu'à récemment, j'avais même du mal à voir à quoi la mesure s'appliquait : aux bouteilles de gaz en fait. Je proposerai par amendement une vraie régulation de la publicité sur les produits les plus polluants", a-t-il déclaré auprès de l'AFP. Alors que Barbara Pompili et plusieurs députés proches de la ministre étaient favorables à une extension de cette interdiction aux véhicules les plus polluants, Bercy aurait "mis le holà" sur cette proposition selon les informations de L'Opinion. Un débat qui serait fortement influencé par les lobbys selon une enquête du média indépendant ancré à gauche Basta Mag.
Théo Moy