Les jonquilles fleurissent déjà, faut-il s'affoler ?

Les jonquilles fleurissent dix jours plus tôt qu'il y a dix ans selon un botaniste. Crédit : Pexels

Le mois de mars commence à peine mais jonquilles et autres fleurs printanières garnissent déjà les sentiers des promeneurs. Une floraison précoce qui déstabilise les insectes et les agriculteurs.

Coup de bourdon pour le bouquet de jonquilles. Leurs pétales jaunes profitent de la vague de soleil et de chaleur pour se déployer plus tôt qu’à l’accoutumée. Les promeneurs peuvent concocter les premiers bouquets de l’année et apprécier leurs couleurs bariolées depuis fin février. 

Pourtant, ce sont les conséquences du dérèglement climatique qui bordent ainsi les sentiers forestiers. "On a une petite dizaine de jours d’avance par rapport à ce que j’ai connu il y a dix ans, confie Jean Christophe Hauguel, directeur adjoint du conservatoire botanique national de Bailleul. Là on voit beaucoup de jonquilles, de muscaris, de narcisses sauvages. Il y a aussi beaucoup d’arbres fruitiers en fleur, comme les pruniers et les abricotiers."

Gare au mercure qui fait les montagnes russes 

Pour les abricotiers, il y a un vrai risque que les fruits soient abîmés en cas de regels en mars. Mathieu Daran est producteur d’abricots dans le Gard, ses arbres fleurissent "vingt jours plus tôt qu’il y a quinze ans". L'agriculteur croise les doigts. Le risque est simple : "Une année, j’ai perdu 100% de la récolte, lâche-t-il. Une petite gelée, c’est 50% de pertes".

Pour les fleurs, c’est moins gênant. Leur organisme est mieux adapté aux écarts de température. "Les floraisons précoces, ce n’est pas non plus un bouleversement extrême, relativise Sophie Nadot, professeure de botanique à l'université Paris-Sud. On n’est pas encore au stade où des fleurs qui éclosaient en mai le font en mars. Les plantes savent s’acclimater notamment pour résister au gel."

Seulement, le mercure fait le yoyo. Après être descendu en dessous de -10°C il y a deux semaines, voilà qu’il flirte avec les 20°C. "Ces variations de température de grande amplitude peuvent affecter la formation des fleurs, poursuit la professeure Nadot. S’il y a un gros coup de gel lorsque les boutons se forment, cela peut abîmer les organes reproducteurs. Au contraire, un gros coup de chaud peut accélérer la reproduction et favoriser les problèmes de formation."

Des risques pour les écosystèmes

Au-delà des fleurs, c’est l’interaction avec le reste de l’écosystème qui est chamboulée. Au premier rang desquels les pollinisateurs - et pas seulement les abeilles. "Les insectes ne vont pas forcément suivre. Il y a un risque de créer un décalage et que les plantes qui dépendent des pollinisateurs ne puissent plus être fécondées", alerte Sophie Nadot.

Une étude réalisée par des chercheurs du CNRS et de l’université de Lille en milieu urbain va dans ce sens. L’urbanisation favorise la floraison précoce sans que les pollinisateurs n’adaptent leur activité. Les conséquences sur la reproduction des plantes sont importantes. "Ces résultats suggèrent qu'un écart se forme entre les cycles saisonniers des plantes et des pollinisateurs dans les villes, ce qui pourrait entraîner des modifications de la structure des réseaux plantes-pollinisateurs et avoir des conséquences négatives sur la reproduction et la survie des espèces."

Pierre-Henri Girard-Claudon

🧑‍🍳 On vous recommande