"Zéro Covid" vs "Stop and go": l'affrontement des stratégies face au virus
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a remis mercredi sur la table la stratégie "zéro covid", par opposition à celle qui prévaut en France depuis un an. Le Bouillon revient sur les fondements de cette stratégie devenue centrale dans les débats sur la réponse politique à apporter à la situation épidémique.
"Il faut engager une stratégie zéro Covid". Dans une tribune publiée ce mercredi 3 mars sur le site du Monde, la maire de Paris Anne Hidalgo plaide pour un changement de stratégie sanitaire. Sa proposition : laisser tomber le "stop and go", qui ne cesserait de montrer ses failles depuis le début de la pandémie, et lui préférer une stratégie "zéro covid". Le point sur cette dernière.
Initialement instaurée en Asie, en Australie ou en Nouvelle Zélande dès le début de la crise sanitaire, la stratégie dite "zéro-Covid" vise à réduire à zéro la circulation du coronavirus dans une région ou un pays, grâce à des mesures strictes (confinement ou couvre-feu) prises dès l'apparition des premiers cas. En Nouvelle-Zélande par exemple, la Première ministre Jacinda Ardern, n'a pas hésité à décréter trois jours de confinement local pour les 1,7 million d'habitants d'Auckland, après la découverte de trois cas positifs. Ces mesures sont combinées à un contrôle drastique des foyers d’infection (doctrine du "tester, tracer, isoler") jusqu’à ce que le nombre de contaminations baisse drastiquement. Parallèlement, la vie normale peut se poursuivre dans les zones où le virus ne circule pas.
"Trop d’incertitudes" avec le "stop and go"
A l'inverse, la stratégie dite du "stop and go" consiste à mettre en place des mesures restrictives (couvre-feu, confinement) dès lors que le nombre de cas devient trop élevé. Lorsque celui-ci redevient modéré, les mesures se lèvent et ainsi de suite. Appliquée en France dès le début de la crise sanitaire, cette stratégie est aujourd'hui vivement critiquée par la maire de Paris qui lui reproche son inefficacité et ses conséquences désastreuses sur plan "économiques, social et psychologique". Professeur de santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, Martin McKee le reconnaît dans une interview accordée à l'AFP : "La situation actuelle n’est pas acceptable, elle crée trop d’incertitudes sur le long terme."
Si la stratégie "zéro covid" a été boudée par l’ensemble des pays de l'Union européenne, la situation sanitaire actuelle pousse depuis plusieurs semaines de nombreux chercheurs et épidémiologistes à exiger des mesures plus strictes. Dans une tribune publiée mi-février sur le site du Monde, un collectif de médecins et économistes ont plaidé pour l’instauration d’une stratégie "zéro covid", en instaurant des "zones vertes" là où la transmission est faible ainsi qu’un "renforcement des modalités de dépistage et de traçage".
Pour l'épidémiologiste Antoine Flahault, l’avantage d’une telle stratégie est triple : "Sur le plan sanitaire, [les pays qui la pratiquent] sont les champions du monde incontestés pour le faible nombre de décès par habitant, et sur le plan social, la vie a repris ses droits : bars, restaurants, activités culturelles et sportives, écoles et universités sont normalement ouverts, les gestes barrières quasi-inexistants", développe-t-il auprès de l’AFP. Selon les décomptes réalisés partout dans le monde, le nombre total de morts dues au Covid-19 est bien plus faible dans les pays "zéro Covid" que dans le reste de l’Europe, qui déplore à ce jour plus de 842.000 morts.
Le "zéro Covid", plus "viable" économiquement
"Sur le plan économique enfin, Taïwan et la Chine ont connu des croissances positives de leur PIB en 2020", ajoute le Pr Flahault. "Dans ces pays, le secteur des services, qui est le plus touché par les restrictions sanitaires, est repassé fortement en croissance positive, alors qu’il est toujours en récession en Europe. [...] en Europe, il est inférieur de 6 points à celui-ci", écrivent de leur coté les économistes Philippe Aghion et Patrick Artus dans un tribune publiée dans Le Monde.
Bien loin des décisions prises par la Nouvelle-Zélande à Auckland avec ses trois cas positifs, les préconisations d’Anne Hidalgo, qui refuse dans le même temps absolument l'idée d'un nouveau confinement, sont donc difficilement conciliables avec une réelle "stratégie zéro covid". "Comment parler de 'stratégie zéro-Covid' sans confiner ?", remarque ainsi un médecin sur son compte Twitter.
Julie Richard