"Le Covid a ralenti ma carrière" : les maquilleurs professionnels, oubliés de la crise
Comme beaucoup de professions indépendantes, les maquilleurs professionnels ont été frappés de plein fouet par la crise du coronavirus. Pour les tout jeunes "makeup artists", en plus d'une perte de revenu, le Covid-19 a surtout freiné leur ascension dans ce secteur compétitif et difficile.
"Le Covid-19 a ralenti ma progression de carrière", déplore Élora Obrecht, maquilleuse de 23 ans en région parisienne. Comme pour bon nombre de travailleurs indépendants ou dépendants de l'événementiel, la crise du Covid-19 a en effet provoqué une perte de revenu importante pour les maquilleurs professionnels. Au-delà de la baisse du nombre de contrats, c'est l'ascension des tout jeunes professionnels qui a été stoppée, alors même que ce secteur repose sur la notoriété.
"Je commençais à me faire un nom..."
Pour Axelle Tiberio, francilienne de 23 ans, la crise du Covid a mis un stop net à son ascension professionnelle : "C'est bien simple, avant la crise j'avais entre un et trois tournages par mois. Là, j'en ai fait un ce mois-ci, mais depuis septembre, je n'en avais pas fait, raconte la jeune maquilleuse. Cela fait quatre ans que je travaille, je commençais à me faire un nom..."
Pour l'instant, Élora Obrecht s'en sort un peu mieux : "Moi ça va, car je travaille surtout dans la mode et c'est un secteur qui ne souffre pas trop, explique-t-elle. Mais j'ai des collègues qui ont basculé sur un autre job car ce n'était plus tenable."
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"Quand il y a des économies à faire, ça tombe souvent sur nous"
Si les tournages et shootings ont repris petit à petit, beaucoup d'autres sources de revenus se sont envolées. "Une maquilleuse ne vit jamais d'un seul type de contrat au début, décrit Aurore Gaulier, 26 ans, à Paris. Il faut multiplier les sources, mais les mariages, spectacles, animations pour enfants,... tout ça, c'est à l'arrêt. Ça peut donc vite devenir compliqué à la longue."
D'autant que la jeune femme, pour qui les contrats de tournage se sont légèrement accélérés depuis quelques mois, craint la suite : "Pour le moment, le cinéma a encore un peu de sous, donc ils embauchent. Mais il y a un moment où ça va coincer. Et quand il y a des économies à faire, ça tombe souvent sur nous." Par ailleurs, les normes sanitaires compliquent le travail : "Les équipes maquillage sont réduites pendant le Covid. Certains acteurs ne sont pas très à l'aise avec l'idée qu'on les maquille", explique Axelle Tiberio, et d'autres vont jusqu'à se retirer des tournages pour l'instant.
Toutes ces maquilleuses professionnelles débutantes ont des jobs complémentaires. Pas le choix, selon elles : "On exerce un métier précaire où l'on est, au début en tout cas, plus souvent défrayées que véritablement payées". Autrement dit, pour se faire un nom et être reconnus dans le secteur, les jeunes maquilleurs acceptent des contrats bénévoles où seul le matériel est remboursé par les employeurs. Mais les trois femmes ne se plaignent pas. "On le savait en s'engageant dans cette voie. Mais c'est sûr que le Covid est une sacrée complication", concède Axelle Tiberio.
Une non-reconnaissance professionnelle
De plus, aux yeux de l'État, elles "n'existent pas". "Notre diplôme n'est pas reconnu par l'État, il n'existe pas de statut clair et précis. On maquille les politiciens, mais pour eux ce n'est pas un métier", lâche Axelle Tiberio, acerbe. Pour elle, cela traduit un sentiment plus profond, celui que leur métier n'est pas considéré comme en étant réellement un.
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Cette non reconnaissance a une conséquence plus concrète encore : l'accès aux aides de l'État pendant cette période de crise sanitaire. "C'est un vrai casse-tête car étant donné qu'on 'n'existe pas', c'est quasiment impossible de demander des aides", explique Elora Obrecht. Et ce, alors même que l'investissement de départ est important. Les trois maquilleuses indiquent avoir entre 2.000 et 4.000 euros de matériel en permanence, " qu'on renouvelle tout le temps. Dès que quelque chose est terminé, il faut le racheter." Par ailleurs, qui dit moins de contrat, dit produits non utilisés et donc pertes : "J'ai dû jeter environ 200€ de maquillage car ce sont des choses périssables. Et ça, personne ne va me le rembourser", regrette Aurore Gaulier.
Eglantine Puel