"Laissez-nous danser": face au Covid-19, les écoles de danse en détresse

Seuls les élèves suivant une formation professionnelle ont accès aux studios. Crédit : Pixabay

Depuis le 17 février, les écoles et conservatoires de danse ne peuvent plus faire cours, ni aux mineurs ni aux adultes. Seuls les professionnels ont encore accès aux studios. Un coup de massue pour ces établissements qui vivent depuis un an au rythme de nouveaux décrets, entre fermetures et réouvertures.

La danse est-elle de la culture ou du sport ? Vous avez quatre heures. Le gouvernement, lui, n'a guère réussi à trancher la question depuis le début de la crise du Covid, ballotant les écoles de danse dans un pas de deux infernal : côté culture, on les a autorisées à rouvrir parfois à certains publics, côté sport, on les a oubliées. Jusqu'à ce 17 février, quand les services de Roselyne Bachelot ont fini par décréter : fermeture totale.

"Du mois de juin au mois de novembre, tout le monde a pu rouvrir, donc nous aussi. C'est à partir du deuxième confinement, pendant lequel les écoles étaient fermées, que ça a commencé à être plus compliqué", nous détaille Victoria Bélot, 23 ans, enseignante de jazz en région parisienne. En effet, à la sortie du 15 décembre 2020, un décret du ministère des Sports interdit la pratique sportive en intérieur pour tous les amateurs. Mais la Culture, ministère de tutelle des conservatoires et des écoles de danse, ne donne pas la même consigne.

"On a exploité la brèche"

Pourtant le 17 février dernier, sans préavis, un nouveau décret, cette fois bien issu du ministère de la Culture, indique : "La pratique de la danse pour les mineurs dans les cadres scolaire, périscolaire ou de loisir, qui se déroule en intérieur dans les conservatoires territoriaux et les autres établissements artistiques, quel que soit leur statut, n’est plus autorisée, au même titre que les autres activités physiques et sportives". Seuls les professionnels et les élèves suivant une formation professionnelle échappent au couperet.

"Étant donné qu'on est géré par le ministère de la Culture, on n'était pas concerné par cette interdiction, poursuit la jeune femme. Les cours en présentiel pour les adultes amateurs étaient la seule chose précisément interdite... Mais les mairies, comme la plupart des gens, étaient dans le flou donc elles ont plutôt pris le parti dans un premier temps de nous faire fermer". Et ce, "alors que j'avais le droit de faire des interventions dans des classes de primaire, avec des salles plus petites que les studios et avec plus d'élèves !", raconte-t-elle. Les écoles de dans protestent, arguant de leur statut culturel. "On a exploité la brèche juridique pour rouvrir, au moins aux mineurs, en janvier".

Un coup dur pour certaines écoles, qui craignent de ne pas se relever. "Disons qu'on était les seuls à encore avoir un peu de chance, mais on nous l'a enlevée", déplore Frédérique Leffredo, directrice de l'école Studio 59, à Lille depuis 2003. "J'ai perdu des gens en route : c'est bien simple, je suis passée de 250 inscriptions à une petite centaine. Mais ce qui me fait le plus de peine, c'est pour mes élèves, notamment les mamans pour qui la danse était un moment rien qu'à elles, loin de la maison et des enfants."

"Je suis infiniment triste pour eux"

Pour Dominique Jacquemin, directrice de l'Académie à son nom, installée aussi à Lille depuis près de quarante ans, cette oscillation juridique a eu pour effet de décourager les élèves. "D'habitude, j'ai deux périodes d'inscriptions, une en septembre et l'autre en janvier. En septembre, on a réussi à avoir à peu près le même nombre d'inscriptions que d'habitude. Mais en janvier, à cause du deuxième confinement, je pense, il n'y a pas eu cet élan qu'on a habituellement. On a des décrochages et je crains qu'avec ce nouveau décret de février, la situation ne s'aggrave." Sur un an, la directrice estime la baisse de ses inscriptions à 30%, et à 50% celle de son chiffre d'affaires.

Toutes les deux ont fini par demander des aides de l'État. Car si leurs studios sont vides, les loyers, eux, continuent de tomber. Aujourd'hui, elles partagent la même requête : la réouverture des salles de danse. À Brest, le samedi 13 mars, plusieurs écoles de danse ont manifesté pour une reprise de l'activité. Victoria met sur la table un argument de poids, le mal-être psychologique constaté chez certains enfants : "Quand je repense au bien que ça leur faisait, à la joie qu'ils avaient à pouvoir danser, je suis infiniment triste pour eux."

Eglantine Puel

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