Joël Dicker crée sa maison d'édition : "Il a un réel attrait pour l’entrepreneuriat"

L’écrivain à succès Joël Dicker a annoncé sur son compte Instagram, ce mercredi 3 mars, qu’il quittait les éditions De Fallois pour créer sa propre structure. Un coup dur pour la maison qui l’a lancé et une nouvelle aventure pour l'auteur-entrepreneur suisse.

Depuis la sortie de son roman La vérité sur l’affaire Harry Quebert en 2012, Joël Dicker, 35 ans, est un auteur en vogue. Ce mercredi 3 mars, il a annoncé sur son compte Instagram qu’il quittait les éditions De Fallois, qui l’ont lancé, pour créer sa propre maison d'édition. Une initiative assez rare, que décrypte pour nous Hélène Védrine, maître de conférences à l'université Sorbonne Paris IV, spécialisée dans l’histoire du livre et de l’édition.

Depuis l’annonce de Joël Dicker, les médias parlent "d'auto-édition". Est-ce le terme adéquat ?

Hélène Védrine : Le terme d’auto-édition n’est pas adapté pour parler de la décision de Joël Dicker. Cela concerne plutôt les petites initiatives, plus artisanales. Ce sont des auteurs qui impriment quelques centaines d’exemplaires pour distribuer leur livre dans des cercles restreints. On peut aussi parler d’auto-édition numérique, comme sur Kindle par exemple (la gamme de liseuse commercialisée par Amazon, ndlr), comme le fait l’autrice Samantha Bailly, ou de nombreux auteurs américains.

Concernant Joël Dicker, on parle plutôt d'indépendance. Il crée une maison d’édition pour publier ses livres. D’ailleurs, il sera distribué par le groupe Editis. Selon moi, il s’inscrit plus dans le modèle historique d’auteurs qui ont créé des revues, devenues des maisons d’édition à l'instar de Mercure de France en 1672.

Pourquoi Joël Dicker a-t-il fait ce choix ? Qu’a-t-il à y gagner ?

Premièrement, il y a l’aspect financier. En créant sa propre structure, il pourra décider du montant de ses droits d’auteurs. Ensuite, je pense que Joël Dicker a un réel attrait pour l’entrepreneuriat. Il a déjà créé sa société de marketing. Donc fonder sa maison d’édition, c’est une aventure en tant que telle.

Enfin, la mort de son éditeur Bernard de Fallois en 2018, celui qui l’a lancé et avec qui il avait une relation très particulière, a dû peser dans sa décision. Les liens entre un auteur et son éditeur sont très forts, et justifient souvent des départs. Par exemple, Michel Houellebecq a toujours suivi son éditrice Teresa Cremisi. Plus récemment, Guillaume Musso a quitté Hachette pour rejoindre Calmann-Lévy car il a souhaité rester avec son éditeur Philippe Robinet. Enfin, Hervé Le Tellier, prix Goncourt 2020 pour L’Anomalie, est venu chez Gallimard avec Karina Hocine.

Peut-on évaluer le montant des pertes que le départ de Joël Dicker va représenter pour De Fallois ?

C’est énorme. Faites le calcul : Joël Dicker a vendu 10 millions de livres dans le monde. Si on considère que l’éditeur récupère environ 10% des ventes et que ses livres se vendent à 20 euros, on arrive à de très grandes sommes (20 millions d’euros, ndlr).

Joël Dicker est écrivain, pas éditeur. Sa légitimité peut-elle être questionnée dans le métier ?

En effet, sa légitimité pose question. Cela dépend de ce qu’il fera de sa maison d’édition. Il peut n’éditer que lui, en suivant le modèle d’Astérix, par exemple. En 1979, Albert Uderzo a créé les éditions Albert René pour continuer à sortir des albums de sa bande dessinée, deux ans après la mort de René Goscinny.

Mais il peut aussi étendre son catalogue à d’autres écrivains. Il devra alors faire un réel travail d’éditeur, choisir des textes, aider d’autres auteurs. Ce n’est pas du tout le même métier. Il faut savoir que parfois, l’éditeur sacrifie son propre goût littéraire au profit d’un goût plus général. C’est assez difficile à faire quand on est soi-même écrivain. Cela dit, on peut penser qu’il éditera des auteurs qui ont les mêmes codes littéraires que lui. On va voir ce que ça donne…

Propos recueillis par Marion Mayer

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