[INTERVIEW] Vaccin AstraZeneca : "Aucun effet secondaire dangereux n’est attesté"
Le Danemark, la Norvège, l’Islande et la Bulgarie viennent de suspendre l’utilisation du vaccin AstraZeneca en raison de cas graves de formation de caillots sanguins. Pour le pharmaco-épidémiologiste britannique Stephen Evans, ces craintes sont exagérées.
Mise à jour 16h : L'Agence européenne des médicaments (AEM) a ajouté ce vendredi après-midi des risques d'allergies sévères à la liste des effets secondaires du vaccin AstraZeneca. Le laboratoire britannique AstraZeneca a communiqué qu'il n'y avait "aucune preuve de risque aggravé" de développement d'un caillot sanguin après l'injection du vaccin.
Encore une polémique autour du vaccin AstraZeneca. Le Danemark, l’Islande, la Norvège et désormais la Bulgarie ont annoncé suspendre l’utilisation du vaccin, développé en collaboration avec l’université d’Oxford, dans leur campagne de vaccination contre le Covid-19. En cause : plusieurs cas de formation de caillots sanguins chez des patients. Pour le pharmaco-épidémiologiste Stephan Evans, professeur à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, ce assaut de prudence est infondé.
Le Bouillon : Existe-t-il des raisons de s’inquiéter de l’utilisation du vaccin AstraZeneca ?
Stephan Evans : Il existe quelques réactions mineures, très bien documentées. La réactogénécité de ce vaccin (c’est-à-dire sa capacité à induire des réactions secondaires ou des effets indésirables, ndlr) a été étudiée. Nous avons observé des douleurs au bras, des gonflements, des rougeurs et de la fièvre. Ces symptômes durent en général 25 heures, même si cela a pu se prolonger pendant plus longtemps pour quelques cas.
Nous n’avons en revanche aucune preuve qu’il puisse y avoir d’effets secondaires plus dangereux. Certaines études récentes peuvent sembler inquiétantes, mais nous devons mener des études épidémiologiques afin de confirmer leurs hypothèses. Il est évidemment impossible d’affirmer qu’aucun problème n’apparaîtra dans le futur, mais il est certain qu’aucun danger sérieux n’a été prouvé pour l’instant.
Dans ce cas, pourquoi le Danemark, la Norvège, l’Islande et la Bulgarie ont-ils suspendu leur campagne de vaccination ?
Les autorités chargées de distribuer le vaccin peuvent être influencées par des signalements d’effets secondaires qui sont en réalité anecdotiques. En réaction, les autorités de régulation tendent à adopter une approche excessivement prudente.
Cependant, les autorités sanitaires européennes conduisent des études rigoureuses de surveillance des campagnes de vaccination, et agissent en conséquence. L’Agence européenne des médicaments (AEM) a estimé, à partir des données collectées par ces recherches, que le risque de formation de caillots sanguins chez les patients à qui on a injecté une dose du vaccin AstraZeneca n’est pas plus haut que ce qui était attendu.
Comment expliquer que l’efficacité de ce vaccin ait été remise en question, notamment par les gouvernements français et allemand ?
Je n’en ai aucune idée. Il est possible que cela ait eu à voir avec des raisons autres que médicales, ce qui n’est pas de mon ressort.
Il est vrai qu’au début, nous manquions de données : nous n’avions pas testé le vaccin sur suffisamment de personnes âgées infectées au Covid-19, et nous ne pouvions donc pas affirmer l’efficacité du vaccin. Nous faisions face à une absence de preuves, et pas, comme certains ont pu l’affirmer, à des preuves indiquant que le vaccin n’était pas efficace sur les personnes âgées.
Au contraire, d’un point de vue de l’immunogénécité (c’est-à-dire de la capacité du vaccin à générer une réponse immunitaire efficace contre le Covid-19, ndlr), tout portait à croire que le vaccin serait aussi efficace chez les personnes âgés que chez les jeunes. C’est d’ailleurs pourquoi les autorités sanitaires des différents pays réticents au début ont fini par autoriser son utilisation à travers toute la population, sans limite d’âge.
Quelles conséquences la décision de ces pays peut-elle avoir sur les politiques vaccinales des autres ?
Certains pays vont surréagir. Il y a des exemples de pays européens et asiatiques dont les populations sont particulièrement méfiantes à l’égard des vaccins. Je pense que la décision prise par les autorités sanitaires danoises, norvégiennes, islandaises et bulgares, et sa médiatisation, ne vont rien arranger.
Ceci est extrêmement problématique. Sans campagne de vaccination généralisée, il sera extrêmement difficile de faire baisser le nombre de contaminations et d’éradiquer le Covid-19 dans le monde.
Propos recueillis par Léo Durin