[INFOGRAPHIES] AstraZeneca, un vaccin stratégique en pleine tourmente
Emmanuel Macron a annoncé lundi 15 mars que la France suspendait l’usage du vaccin AstraZeneca en attendant l’avis de l’Agence européenne des médicaments. Ce vaccin est pourtant essentiel à la stratégie vaccinale européenne, car facile à conserver, et déjà commandé en masse.
Ils l'ont annoncé les uns après les autres, durant la même journée. L’Allemagne, la France, l’Italie, la Slovénie, l’Espagne, le Portugal et la Lettonie ont successivement averti lundi de la suspension du vaccin AstraZeneca contre le Covid-19. En tout, douze pays européens ont pris cette décision, et cinq ont suspendu certains lots. Depuis une semaine, plusieurs décès ont été rapportés en Europe après l’administration de ce vaccin, sans qu’un lien avéré ait pu être fait entre les deux évènements. Dernier pays en date, la Suède a annoncé ce mardi suspendre à son tour le vaccin AstraZeneca "par mesure de précaution", rapporte l’AFP.
Les Européens attendent maintenant l’avis de l’Agence européenne des médicaments, qui a réuni son comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance et s'exprimera sur le sujet lors d'une conférence de presse mardi à 14 heures. "Pendant que ses investigations sont en cours, l’Agence européenne des médicaments reste d’avis que les bénéfices du vaccin AstraZeneca dans la prévention du Covid-19, qui présente un risque d’hospitalisation et de décès, surpassent les risques des effets secondaires", a toutefois tenu à rappeler l'agence dans un communiqué.
La suspension du vaccin, un jeu de dominos dans toute l’Europe
Tout a commencé le 11 mars dernier, quand le Danemark a annoncé la suspension du vaccin AstraZeneca après le décès d’une femme de 60 ans victime d'une embolie, explique Le Monde. La Norvège a ensuite emboîté le pas en seulement quelques heures, rejointe dans la foulée par l’Islande et par la Bulgarie, où la mort suspecte d’une femme de 57 ans a été signalée.
L’Italie, quant à elle, a opté jeudi dernier pour la suspension d’un lot précis du vaccin après l’apparition de caillots sanguins, avant de suspendre l’ensemble des lots lundi. La Roumanie a suspendu le même lot incriminé. Lundi, l’Autriche a décidé la suspension d’un autre lot, à la suite du décès d’une infirmière de 49 ans qui présentait de "graves troubles de coagulation" quelques jours après sa vaccination. La Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et le Luxembourg ont rapidement suivi.
L’agence norvégienne des médicaments a ensuite annoncé lundi que trois soignants étaient hospitalisés en raison d’un caillot sanguin après avoir reçu le vaccin, et que l’un d’entre eux, pourtant jeune et en bonne santé, était décédé d’une hémorragie cérébrale. Le gouvernement allemand a ensuite déclaré suspendre l’administration de ce vaccin, suivi de près par l’exécutif français, et une autre partie de l'Europe.
Des “anomalies de coagulation” inhabituelles mais peu nombreuses
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a justifié mardi matin la décision française sur BFMTV : "On ne confond pas vitesse et précipitation (...), on prend le temps, lorsqu'il y a des questions qui se posent de dire, 'on suspend, on fait un pas de côté et on regarde comment ça se passe'" Le ministre a néanmoins dit souhaiter “qu’on reprenne le plus vite possible la campagne de vaccination” dès que l’Agence européenne des médicaments aura rendu son avis, probablement jeudi.
Concernant les caillots sanguins détectés, le professeur d'immunologie et président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, Alain Fischer, a expliqué ce mardi sur France Inter qu’il s’agissait d’"anomalies de la coagulation qu’on n’a pas l’habitude de voir dans les embolies pulmonaires classiques". Le scientifique a cependant rappelé que “le nombre d’événements dont on parle est très faible, autour d’une dizaine de cas". "Par rapport au nombre de personnes vaccinées, il faut mettre les choses en proportion et ne pas s’inquiéter particulièrement", a-t-il estimé. L’Agence nationale de sécurité du médicament, qui a recommandé la suspension par précaution, se veut également rassurante dans un communiqué : "À ce jour, peu de cas ont été signalés en France, dont aucun cas de décès, dans le cadre de la surveillance renforcée mise en place depuis le début de la vaccination."
Un vaccin essentiel à la stratégie de vaccination française
La décision de la suspension du vaccin AstraZeneca n’est toutefois pas sans conséquences. Des trois vaccins actuellement disponibles en France, celui du groupe anglo-suédois est en effet le plus facile à conserver : entre deux et huit degrés seulement, soit la température d’un réfrigérateur, contre -20 à -70 degrés pour le vaccin Pfizer. L’exécutif comptait donc sur ce vaccin pour accélérer la campagne de vaccination, dont il a commandé 28 millions de doses d’ici à juin et 44 sur toute l’année, rapporte Franceinfo.
- Nombre de doses commandées en millions
La décision d’Emmanuel Macron intervient également au moment où cette campagne prend de l’ampleur, notamment grâce aux injections du vaccin AstraZeneca, qui a déjà servi à vacciner 1,3 million de Français.
La confiance dans le vaccin AstraZeneca déjà faible, d’après un sondage
Si l’Agence européenne des médicaments conseillait l’usage de ce vaccin, l’avis de l’opinion publique à son égard est plus incertain. Le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale Alain Fischer s’est dit convaincu ce mardi matin que cette décision était une preuve de transparence, "importante pour la confiance".
"Il est plus prudent de suspendre quelques jours la vaccination et de lever tous les doutes sur ce vaccin que d’alimenter la défiance", abonde le docteur Jérôme Marty dans 20 minutes, qui rappelle que les doses AstraZeneca, en raison de retards de livraison, se font de toute façon plus rares.
La confiance dans le vaccin AstraZeneca reste toutefois très fragile. Avant même la décision allemande et française de le suspendre, un sondage Yougov publié le 13 mars montrait ainsi que 29% des Allemands et 22% des Français refuseraient le vaccin du groupe anglo-suédois si un autre leur était proposé, contre seulement 11% des Américains et 2% des Britanniques, dont le pays a élaboré le vaccin.
"Ce vaccin est sûr et marche extrêmement bien", a plaidé mardi le Premier ministre britannique, Boris Johnson, dans le journal The Times. D’après l’Agence britannique du médicament, citée par Libération, 9,7 millions de Britanniques ont déjà été vaccinés par le produit d’AstraZeneca et seuls 35 cas de caillots sanguins ont été rapportés sur le sol britannique. Ce qui, précise l'agence, n’est “pas supérieur au nombre attendu naturellement dans la population vaccinée”.
Le Bouillon