Élections régionales en Allemagne : les conservateurs perdent du terrain

Le président de la CDU, Armin Laschet, s'exprime au Bundestag à l'occasion d'un forum sur les médias, le 11 juin 2018. Crédits : DW/F. Görner

Les Verts et les sociaux-démocrates restent à la tête des exécutifs régionaux du Bade-Wurtemberg et du Rhénanie-Palatinat. Les conservateurs, fragilisés par leur gestion de la crise sanitaire et plusieurs scandales de corruption, perdent du terrain.

“La CDU chute en pleine année électorale”, titre le Taggespiegel. Les élections régionales qui ont eu lieu dimanche 14 mars dans deux Länder frontaliers de la France, la Rhénanie-Palatinat et le Bade-Wurtemberg, sonnent comme un avertissement pour les conservateurs allemands de la CDU. Ces deux scrutins clés sont un dernier test avant les élections législatives de septembre qui devront déterminer la succession d'Angela Merkel.

En Rhénanie-Palatinat, la CDU perd 4 points, dans un bastion de la gauche qu’elle espérait encore ravir aux sociaux-démocrates, il y a quelques mois. En Bade-Wurtemberg, la situation est encore pire : les conservateurs y enregistrent tout simplement leur plus mauvais score depuis l’après-guerre. Un revers électoral qui pourrait pousser les Verts à s’affranchir de leurs alliés conservateurs au gouvernement régional et à s’allier cette fois avec les sociaux-démocrates et les libéraux.

Les conservateurs critiqués pour leur gestion de la crise sanitaire

Ces résultats électoraux s’expliquent certes par la popularité des exécutifs sortants, appréciés pour leur pragmatisme, mais pas seulement. Les conservateurs se trouvent en effet dans une situation de faiblesse inédite. Au pouvoir à Berlin, en coalition avec les sociaux-démocrates, ils sont attaqués depuis le début de l’année pour leur gestion de la troisième vague de Covid-19. Outre-Rhin, le nombre de morts liés à la pandémie est en effet plus élevé depuis décembre que durant toute la période entre mars et novembre. Un choc pour un pays salué pour sa gestion de crise pendant la première vague.

Les critiques à l’égard de la gestion de crise de la CDU se traduisaient déjà dans les sondages début janvier, attisées par la lenteur de la campagne de vaccination.

Un scandale de corruption qui rappelle ses heures sombres à la CDU

Mais les conservateurs ont également dû faire face fin février, à une petite bombe : “l’affaire des masques”, comme la presse l’a surnommée. En pleine crise sanitaire, deux députés conservateurs, l’un de la CDU du Baden-Württemberg, l’autre du parti frère CSU, en Bavière, ont touché des centaines de milliers d’euros pour avoir servi d’intermédiaires entre les fabricants de masque et les pouvoirs publics. Ce climat délétère pour les conservateurs s’est encore renforcé jeudi lorsqu’un élu CDU du Land de Thuringe a dû démissionner après avoir été mis en cause pour des publicités achetées par l’Azerbaïdjan dans un journal qu’il dirige. 

"Des députés de la CDU et de la CSU se sont enrichis par des contrats de masques et se sont fait remarquer par des contacts douteux à l'étranger. Six mois avant l'élection pour le Bundestag, la chancellerie ne semble plus acquise aux conservateurs", titre la semaine dernière l'hebdomadaire de centre-gauche Der Spiegel.

Dimanche soir, les conservateurs ont promis de “faire le ménage” dans leurs rangs. “Ceux qui se sont enrichis personnellement pendant la crise n’ont rien à gagner chez nous”, a tweeté Paul Ziemiak, secrétaire général du parti. Le scandale est d’autant plus grave qu’il rappelle à la CDU l’affaire des “caisses noires”, en 1999. Un système de financement occulte qui avait précipité la chute de plusieurs responsables conservateurs d’alors et permis à Angela Merkel de prendre les rênes du parti.

"Le comportement honteux et indécent de quelques députés ne nous a pas aidé pendant la campagne électorale. Pour nous, une chose est claire : nous allons faire un grand ménage. Celui qui s'enrichit personnellement en temps de crise n'a rien à faire chez nous."

A seulement quelques mois des élections fédérales de septembre, les conservateurs s’interrogent donc sur la meilleure stratégie à suivre, et le meilleur candidat pour succéder à Angela Merkel. La double défaite aux régionales vient fragiliser la possible candidature de l'actuel président du parti, Armin Laschet, qui a construit toute sa carrière en Rhénanie-Palatinat, l’un des deux Länder qui a voté dimanche. Il pourrait être doublé sur sa droite par Markus Söder, le chef des conservateurs en Bavière, nettement plus populaire que lui.

L’extrême-droite, l’autre grand perdant de la soirée

Quant aux Verts et aux sociaux-démocrates, leur bon score ne doit pas faire oublier leurs faiblesses, rappelle la presse allemande. “On ne sait pas encore si les Verts fédéraux réussiront ce qu’ils ont déjà accompli dans le Bade-Wurtemberg : gagner une partie de la classe moyenne chrétienne-bourgeoise, qui tient à ses valeurs et, surtout, se les attacher durablement”, rappelle le quotidien du Baden-Württemberg Süddeutsche Zeitung. Les sociaux-démocrates, eux, restent désespérément bloqués à 16% des intentions de vote pour les élections fédérales.

Un autre résultat est passé plus inaperçu dimanche soir, celui de l’extrême-droite. L’Alternative pour l’Allemagne (AfD) est en effet revenue à son étiage d’avant la crise des réfugiés, qui l’avait propulsée en troisième place dans les deux Länder. Alors que les cadres du parti remettent régulièrement en cause les restrictions sanitaires, une grande partie de ses électeurs a choisi de s’abstenir, ou de voter pour les partis concurrents. La Süddeutsche Zeitung a d'ailleurs poussé un "ouf" de soulagement, dimanche soir, devant l’émission politique de la chaîne de télé ARD : “Enfin une émission de débats où il n’est pas question de l’AfD.”

Le Bouillon

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