Délit d’écocide : “Ce n’est pas un texte qui va faire peur à ceux qui polluent”

Les députés ont voté le "délit d'écocide" dans la nuit du jeudi 18 mars au vendredi 19 mars. Crédits : SD Pictures

Un nouveau “délit d’écocide” vient d’être voté par les députés réunis pour examiner la loi Climat. Une mesure qui déçoit les principales associations environnementales, qui craignent qu'elle soit sans effet.

Un nouveau délit d’écocide punissant une "mise en danger de l’environnement" entraînant "une pollution grave et durable" a été adopté par les députés en commission spéciale dans la nuit du jeudi 18 mars au vendredi 19 mars. Cette mesure, voulue par le gouvernement dans le cadre du projet de loi “Climat et résilience”, a pour but de punir des atteintes graves à l'environnement, avec des peines allant jusqu'à dix ans de prison et 4,5 millions d'euros d'amende. Selon la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, "les délits d'écocide s'appliquent aux atteintes les plus graves à l'environnement au niveau national".

Cette nouvelle incrimination suscite néanmoins des réactions mitigées de la part des principales associations de protection de l’environnement : à l'image de la Convention citoyenne pour le climat, elles réclamaient la création d’un “crime d’écocide” soumis à des peines plus lourdes et un délai de prescription allongé. Dans une tribune au Monde, Clara Gonzales et Laura Monnier, juristes à Greenpeace France, ont déploré "le choix d’une pseudo-répression qui manque (à dessein ?) sa cible", jugeant que "les délits proposés ne trouveront aucune application pratique". 

“C’est mieux que rien, mais ça ne va pas embêter grand monde”

“On est extrêmement déçus, c’est encore une fois un énorme coup de communication du gouvernement. Le mot 'écocide' est galvaudé par rapport à ce que demandait la Convention citoyenne pour le climat”, regrette Marine Calmet, juriste et présidente de l’association de protection des droits de la nature Wild Legal, en regrettant un texte “pas du tout à la hauteur des enjeux”.

Selon l’avocate en droit de l’environnement Adeline Paradeise, “c’est mieux que rien mais ça ne va pas embêter grand monde. Ce n’est pas un texte qui va faire peur à ceux qui polluent.”

L’acte de polluer doit être “délibéré”

Parmi les écueils relevés par Marine Calmet figure le caractère “d’intentionnalité” de la pollution des eaux, de l'air et des sols. Autrement dit, pour qu’un acte soit qualifié d’écocide donc condamnable, il faut qu’il y ait une “volonté manifestement délibérée” de polluer. Ce qui est particulièrement difficile à prouver selon Adeline Paradeise : “C’est une avancée extrêmement minime parce qu’il sera très compliqué d'appliquer ces articles. Pour la pollution de l’air, par exemple, le dommage commis doit être 'grave et durable', il va falloir prouver que pendant dix ans il y a eu des dommages sur l’environnement et sur la santé des gens.” L’avocate s’attend à un faible nombre de condamnations.

La députée La France Insoumise Mathilde Panot a dénoncé “une régression”, estimant que le gouvernement se soucie davantage de protéger les entreprises face aux risques juridiques. Un constat partagé par la militante Marine Calmet : “Le profit à court terme pèse plus lourd dans la balance que la protection de l'environnement."

Parmi les autres mesures adoptées par les députés figure également un délit de mise en danger de l’environnement, puni de trois ans de prison et de 300.000 euros d'amende, ainsi que la création d’un bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels. Le texte sera examiné dans l’hémicycle à partir du 29 mars.

Julie Tritschler

🧑‍🍳 On vous recommande