"On a l'impression de ne pas être considérés" : dans le Pas-de-Calais, l'incompréhension des habitants reconfinés

Les doses de vaccins manquent dans cette ville de l'ancien bassin minier. Crédit : Hugo Lallier

Seul le département du Pas-de-Calais sera finalement confiné le week-end, à partir de ce samedi. Sur les pavés de la cité minière de Bruay-la-Buissière, les habitants questionnent la pertinence de cette mesure alors que la vaccination patine. 

"Pourquoi le Pas-de-Calais et pas les Alpes-Maritimes ?" Dans les rues de Bruay-la-Buissière, commune populaire du Pas-de-Calais, la formule revient dans toutes les bouches. Les noms des départements changent mais le fond des pensées reste le même : l’incompréhension est palpable. Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé ce jeudi que seul le Pas-de-Calais passerait finalement sous le régime du confinement le week-end, dès ce samedi 6 mars. 

Pourtant, le taux d’incidence du département, de l'ordre de 406, tutoie celui de la Seine-Saint-Denis. Surtout, il est largement inférieur à celui des Alpes-Maritimes (543). "Si le gouvernement a une explication concrète à nous offrir, qu’il nous la donne ! Parce que ça ne tient pas debout", s’emporte Yannick, qui se balade avec ses enfants dans les rues grises du centre-ville. "J’aurais préféré qu’on fasse un confinement dur après les vacances de Noël. On aurait été tranquille une bonne fois pour toutes", abonde Sandy, qui assure qu’elle se pliera, pour autant, au confinement avec la même rigueur que les deux précédents. 

La stratégie vaccinale ne convainc pas

Si l’incompréhension autour de la décision gouvernementale est telle, c’est aussi que la stratégie vaccinale a montré des failles béantes dans le département. Claude et Jean-Pierre ont décidé, ce jeudi, de prendre leur voiture et de se rendre au centre de vaccination. Cela fait depuis début février que le couple appelle tous les jours l'Agence régionale de Santé pour décrocher un créneau de vaccination à Jean-Pierre, prioritaire pour des problèmes cardiaques. On a pris leur numéro, a promis de les tenir au courant, mais le sexagénaire n'a toujours pas reçu la moindre dose. Ce jour, ils trouveront encore portes closes. "C'est pas normal, on a l'impression de pas être considérés", déplore Claude.

Les portes sont closes dans le centre de vaccination local. Crédit : Hugo Lallier

En réalité, le centre de vaccination de Bruay-la-Buissière est contraint d'échelonner ses rendez-vous et de repousser les injections vaccinales puisqu'il est confronté à une pénurie de doses. Une situation contre laquelle s'est insurgé le maire RN de la ville, Vincent Pajot, qui s'est empressé, sur l'antenne de LCI mercredi, de s'opposer au confinement et d'appeler à obtenir davantage de vaccins dans son département. Le Premier ministre Jean Castex a promis la livraison de 10.000 doses de vaccins dans le Pas-de-Calais, lors de son allocution jeudi.

 "On craint que de nouveaux commerces ferment"

Ce confinement le week-end est d’autant plus mal perçu que beaucoup d’habitants prennent cette décision comme une punition dans une région déjà économiquement fragile. Dans le centre-ville, qui cumule près de 21% de chômage, une commerçante joue aux mots croisés derrière sa caisse. Si les rues de la cité minière sont animées, les habitants ne se pressent pas dans les allées des commerces du centre-ville. "C’est aussi ce qu’on craint avec ce nouveau confinement : que de nouveaux commerces ferment", confie Josette, retraitée.

A Bruay-la-Buissière, les habitants craignent la "casse sociale". Crédit : Hugo Lallier

L'enseigne Nocibé a été menacée, un temps. Le night club, à quelques pas du parc de la ville, affiche une grande pancarte "à vendre". Une centaine de mètres plus loin, le bar dansant historique de la commune est fermé, le gérant vient de passer la main. D’autres vitrines sont totalement à l'abandon. L’activité économique est à la peine. "La casse, elle peut être avant tout sociale", craint Geneviève, habitante historique du quartier.

En 2018, 30% de la population de la commune vivait sous le seuil de pauvreté et la crise économique liée à la pandémie pourrait dangereusement aggraver le phénomène. "Si je ne fais pas le marché du dimanche, je vais éviter d’aller acheter de la viande à la boucherie", témoigne une commerçante. Sur le front social et sanitaire, les habitants de la commune partagent la sensation de ne pas être pleinement protégés.

Hugo Lallier

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