Covid-19 : les écoles, foyers de contamination ?
La décision de maintenir l'ouverture des écoles, malgré la troisième vague de Covid-19, fait débat. Alors que le gouvernement français s'appuie sur de nombreuses études scientifiques pour nuancer l'impact du milieu scolaire sur la transmission du virus, d'autres dénoncent une mesure qui expose les enseignants, les élèves ainsi que leurs familles.
Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer s’est félicité d’un taux de contamination moyen “d’environ 0,5 % à l’école”, au micro de BFMTV ce vendredi 19 mars. Le chiffre, obtenu grâce aux premiers tests salivaires menés dans les écoles, équivaut pourtant à près de 500 contaminations pour 100.000 élèves. Un résultat très au-dessus du seuil d’alerte renforcé, fixé à 150.
Malgré ces données inquiétantes, le Premier ministre Jean Castex a réaffirmé, lors de son allocution télévisée, jeudi 18 mars au soir, la volonté du gouvernement français de garder les écoles primaires et les collèges ouverts tout en réduisant à 50 % la jauge d’élèves dans les lycées. Cette annonce illustre la volonté de l’État de maintenir coûte que coûte l’activité scolaire, malgré les rebonds de l’épidémie.
Une doctrine saluée par l’Unesco et soutenue par de nombreuses études scientifiques qui démontrent le faible niveau des contaminations relevées en milieu scolaire depuis les premiers mois de la pandémie. De nombreux enseignants dénoncent pourtant une politique qui sous-estime les risques qu’ils encourent, eux, leurs élèves et les familles, dans le seul but de maintenir l’activité économique du pays.
Un manque de reconnaissance pour les enseignants “en première ligne”
Dans l’école primaire de Roxane, enseignante de primaire à Paris, quatre professeurs sur les onze de l’équipe sont actuellement positifs au Covid-19, ainsi que trois autres adultes en contact avec les enfants. “Logiquement, ça veut dire que tout le monde à l’école est cas contact.” Les classes se poursuivent pourtant, à cause du manque d’effectif. “Un collègue a reçu un SMS de l’assurance maladie pour le remercier de s’être confiné. Mais il avait fait cours toute la semaine”, témoigne la jeune femme. Elle rapporte que de nombreux élèves ont été diagnostiqués positifs, mais que l’administration invoque le secret médical pour défendre aux professeurs de communiquer la liste des enfants contaminés aux autres parents d’élèves.
“Avant le 8 février, les consignes préconisaient de fermer les classes dès qu’un cas de variant britannique était détecté”, se souvient Roxane. Mais le 13 février, les professeurs de son école primaire ont reçu ce mail de la direction : “Les autorités sanitaires ont souhaité que l’apparition d’un cas de variant britannique ne déclenche plus automatiquement la fermeture de la classe, compte tenu de la large circulation de ce variant sur le territoire.” L’incohérence des décisions successives explique en partie l’épuisement moral de nombreux professeurs, frustrés d’être abandonnés en “première ligne”, sans protection suffisante, sans reconnaissance, sans primes ni perspectives.
Dans une tribune publiée par Le Monde le 24 février dernier, l’ancien directeur général de Santé Publique France, François Bourdillon, dénonçait le “déni du risque de l’épidémie à l’école” en France. “Prioriser la présence des élèves et des enseignants en classe devient, en tout cas, proprement inacceptable si on ne leur donne pas les moyens de prévenir très sérieusement le risque que cela engendre pour eux, pour leurs proches et pour la société”, considérait-il à l’époque. Après plus d’un an de pandémie, la distanciation impossible entre les élèves, l’état déplorable des masques des plus jeunes “trempés de postillons”, ou l’isolement inappliqué des personnes contaminées n’en finissent plus de remettre en cause la stratégie gouvernementale.
Les moins de dix ans, moins contagieux et moins transmetteurs
“Soyons clairs”, nuançait Pascal Crépey, professeur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), dans un article publié par The Conversation en novembre, “les enfants s’infectent aussi, donc ils peuvent être infectés et infecter d’autres gens. Ils peuvent même être à la base de clusters. Cependant, on sait aujourd’hui que […] le coronavirus SARS-CoV-2 infecte les enfants dans des proportions moins importantes que les adultes. En outre, les enfants sont non seulement moins susceptibles à la maladie que les adultes, mais aussi moins transmetteurs.”
De nombreuses études publiées dans d’importantes revues scientifiques telles le British Medical Journal, ou le Journal of the American Medical Association s’accordent à dire que les enfants âgés de moins de dix ans seraient à la fois moins contagieux et moins transmetteurs. Un constat auquel se rallient des organisations scientifiques comme le Centers for disease control and prevention, l’Agence fédérale de santé publique américaine, ou l’Institut Pasteur.
Pourtant, en septembre dernier, le nombre de clusters en cours d’investigation concernant le milieu scolaire et universitaire représentaient 32% du nombre total des clusters français, selon Santé Publique France. D’autres études, comme celle de la Technishe Universität Berlin publiée à la mi-février, considèrent que les lieux d’enseignement seraient six fois plus contagieux que les théâtres, fermés en France depuis de longs mois. En temps de pandémie, “il y a nécessairement […] une part d’incohérence quand il faut limiter les interactions et les flux de personnes”, avait reconnu le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, il y a quelques jours.
Léo Thomas