Après "Voisins Vigilants", la police incite les Français à signaler les points de deal

Photo d'illustration (Pixabay).

Une plateforme est mise à disposition par la police et la gendarmerie, à partir de ce mercredi 3 mars, pour signaler les points de deal près de chez soi. Retour sur cette surveillance des voisins qui se développe en France.

Objectif "harcèlement des points de deal", avait annoncé Gérald Darmanin à Marseille, le 25 février dernier. Lors de sa conférence de presse mensuelle organisée ce mercredi, le ministre de l'Intérieur a expliqué que depuis janvier, il y avait eu “301 points de deal harcelés” et “98 opérations menées dans le seul département des Bouches-du-Rhône”. Pour obtenir de meilleurs résultats, le ministère de l'Intérieur invite désormais les Français à enrichir la cartographie des 3.952 points de deal déjà recensés sur le territoire national. Le signalement se fait sur “moncommissariat.fr” et en zone gendarmerie sur “ma brigade numérique”, a-t-on précisé place Beauvau.

Le ministère surfe sur la tentation des Français de dénoncer leurs voisins, lorsqu'ils craignent pour leur sécurité et le bien-être collectif. Une tendance à la surveillance qui émerge fortement depuis quelques années.

Dénoncer le non-respect du confinement

Lors du premier confinement, le nombre d'appels au 17 avait presque doublé pour signaler les manquements aux règles de confinement. Pourtant, aucun message de l'Etat n'avait alors incité la population à rapporter que tel voisin invitait des amis, ou que tel autre laissait jouer ses enfants dehors. Ce phénomène, sans doute favorisé par l'ambiance de "guerre", terme employé avec insistance par le président de la République, avait eu pour effet de saturer les lignes téléphoniques des commissariats.

Des maires avaient même dû demander expressément à leurs habitants de cesser les messages de dénonciation. D'autres édiles, plus rares, avaient a contrario sollicité leurs concitoyens pour signaler les infractions au confinement. C'était le cas de la maire Les Républicains (LR) de Montgeron, dans l'Essonne, comme l'avait rapporté Le Parisien.

Le succès de "voisins vigilants"

Inspiré du concept anglo-saxon "neighbourhood watch" ("surveillance de quartier"), le dispositif "voisins vigilants" existe en France depuis 2007 dans le but de lutter contre les cambriolages, détaillent nos confrères de L'Obs.

Son application est floue : il s'agit de signaler "un danger potentiel", indique simplement le site de la communauté. Les voisins vigilants sont donc priés d'"être attentifs aux faits d'insécurités qui peuvent se produire dans leur quartier" et de mettre en commun leurs observations.

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La marque Voisins Vigilants a été déposée en 2012. En 2018, selon Street Press, la start-up marseillaise composée d’une quinzaine de salariés revendiquait 300.000 foyers inscrits et 600 mairies clientes. Elle est actuellement en situation de quasi-monopole sur le marché et connaît une activité florissante, en partie grâce à des subventions publiques.

Déclinaison politique de la surveillance

Ce concept de "voisin vigilant" a eu un tel succès qu'il a été repris politiquement, comme solution de lutte contre la délinquance. En 2011, rappelle L'Humanité, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a souhaité "développer un comportement de nature à mettre en échec la délinquance". Une circulaire a ainsi appelé les préfectures à développer le concept des réseaux de voisins. 

Emmanuel Macron a ensuite fait sienne, au cours de sa campagne présidentielle, l'idée de nommer des référents dans la population. Son programme indiquait : "Des représentants pourront être élus pour établir une relation de confiance avec la police".

Pendant la campagne des municipales de 2020, enfin, le dispositif de "participation citoyenne" est réutilisé par la droite. Instauré en 2006, cette démarche consistait à "sensibiliser les habitants d'une commune et à les associer à la protection de leur environnement", explique le site du ministère de l’Intérieur. Plus concrètement, la population est encouragée à "adopter une attitude solidaire et vigilante ainsi qu'à informer les forces de l'ordre de tout fait particulier".

Ce système de signalements se généralise, et prend forme aujourd'hui à l'échelle nationale, contre les stupéfiants.

Louise Sallé

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