Après un an de pandémie, le télétravail cherche encore son équilibre
La pandémie de Covid-19 a forcé entreprises et travailleurs des secteurs qui le pouvaient à adopter massivement et rapidement le télétravail. Une pratique qui cherche encore son modèle.
"Le télétravail, c’est une chance. Ça évite les trajets, on gagne en temps et en autonomie. Mais je regrette vraiment de ne pas voir les gens en vrai donc parfois, je me sens un peu en manque d’énergie, de contact social.” À l'image de Chloé, qui travaille dans le secteur de la formation professionnelle, salariés et entreprises qui le pouvaient ont dû s'orienter vers le télétravail depuis un an que dure la crise sanitaire liée au Covid-19. Les confinements successifs ont radicalement accéléré le développement de cette nouvelle façon de travailler, parfois à marche forcée.
11 millions de Français ont télétravaillé
Selon des chiffres de la Direction des statistiques du ministère du Travail (Dares), en 2017, seuls 3% des salariés pratiquaient le télétravail au moins un jour par semaine. Selon un sondage Odoxa interrogeant des Français au début du mois de février dernier, 22% des Français en âge de travailler ont expérimenté le télétravail, soit environ 11 millions de personnes, plus d’un tiers des actifs. Mais cette pratique reste majoritairement l'apanage des cadres, dont les trois quarts ont été télétravailleurs, tandis qu'ouvriers et employés ont largement dû continuer à travailler sur place.
Selon ce même sondage, une écrasante majorité des personnes interrogées ayant télétravaillé ou connaissant des personnes ayant télétravaillé ont une bonne image de la pratique, avec 80% d’opinion favorable. De cette massification accélérée en 2020 ont toutefois émergé de nouvelles problématiques : difficultés du management à distance, problèmes techniques, manque de matériel ou de relations sociales…
Des employeurs parfois réticents au télétravail
Avec l’allégement de l'obligation initiale de télétravailler, remplacée par une incitation du gouvernement, les entreprises ont adopté des approches différentes. Camille est employée d'une entreprise de prêt-à-porter, au service juridique. Avant le Covid-19, le travail à distance n’était pas autorisé dans son entreprise. Même en pleine pandémie, l’employeur de Camille s’est montré réticent à laisser ses salariés travailler en dehors des bureaux : “Les décisions étaient assez verticales, sans concertation. Ils nous ont obligés à retourner à 100% de présentiel assez rapidement après le premier confinement ,avant de faire machine arrière à la suite de suspicions de cluster. On est ensuite passé à 50% de présentiel, puis 30%.”
Camille n’est pas opposée au télétravail, loin de là. “Je ne veux pas retourner complètement en présentiel. Avec mes deux filles, c’est un avantage indéniable. J’évite les transports, et même quand je finis à 19 heures, je peux faire des pauses et parler avec elles, les voir. On mange ensemble le midi. Mais de l’autre côté je travaille plus efficacement, et l’ambiance de bureau me manque, regrette-t-elle. Le dialogue dans les équipes est plus compliqué, on a perdu tous les rapports conviviaux entre collègues.”
"On ne va plus retourner au bureau juste pour lire des mails"
Dans d’autres entreprises, le travail à distance est devenu la norme. Étienne est cadre dirigeant dans une entreprise américaine du secteur de l’informatique. “On pratique le télétravail depuis les années 2000, ça fait partie de la culture de l’entreprise maintenant, souligne-t-il. Dès le début de la crise sanitaire, la décision a été prise de mettre tout le monde à distance à 100%. Il y a eu quelques ajustements pendant l’été, notamment pour les commerciaux, mais avec des bureaux remplis à moins d’un quart de leurs capacités. Le distanciel reste la norme.”
Cette période exceptionnelle a fait évoluer les entreprises sur le télétravail en général, et pose la question de l’après-Covid. Étienne est catégorique : “Tout le monde est conscient qu’on ne reviendra pas aux mêmes fonctionnements qu’avant. Ça a accéléré des réflexions déjà en cours, et aussi révélé des enjeux du travail à distance comme les risques psychosociaux et l’isolement.”
Entre distanciel forcé et présentiel sans flexibilité, salariés et entreprises cherchent un nouvel équilibre. “Le plus probable, c’est un mix entre bureau et distanciel, avec de nouveaux agencements des open-spaces pour favoriser les espaces d’échanges notamment. On ne va plus retourner au bureau juste pour lire des mails, ça c’est certain”, poursuit le cadre. Un remodelage des emplois du temps et des espaces de travail, déjà amorcé il y a plusieurs années par des géants américains comme Google ou Microsoft.
Alexandre Horn