Syrie : après dix ans de guerre, l'espoir de démocratie se fane
Dix ans après le début du soulèvement des Syriens contre le régime de Bachar el-Assad, des puissances étrangères continuent de soutenir le dictateur. Face à un soutien international qui perdure, la possibilité pour l'opposition de voir émerger un mouvement populaire de contestation s'amenuise.
Le 15 mars 2011 débutait la révolution civile en Syrie. Dix ans plus tard, le bilan dressé est catastrophique : le nombre de morts oscille entre 388 000, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et 500 000, selon un rapport de l'ONU cité par le site québécois, L'actualité. Parmi les 23 millions d'habitants que comptait le pays en 2011, l'OSDH recense 6 millions de réfugiés et 6 millions de déplacés internes. Découragée face au soutien dont bénéficie Bachar el-Assad, l'opposition en Syrie, principalement dirigée par des intellectuels et diplomates, est de plus en plus sceptique sur l'éventuelle instauration d'une démocratie.
Interventions militaires étrangères
Depuis 2011, le territoire syrien est le théâtre d'enjeux diplomatiques importants. D'abord du côté des puissances régionales proches de la Syrie, comme l'Iran, son allié historique depuis la révolution iranienne en 1979. Le lien politique entre ces deux puissances se renforce durant la guerre entre l'Iran et l'Irak (1981-1988). Depuis, ces deux pays soutiennent financièrement et idéologiquement le Hezbollah libanais, parti islamiste chiite. Ce dernier est le seul moyen qu'a l'Iran d'exercer une pression directe contre l'Israël. La stabilité de la Syrie est donc la priorité de l'Iran pour maintenir les flux d'armements destinés au Hezbollah.
Dès 2015, la Russie intervient également du côté de l'armée syrienne. A la demande du président Bachar el-Assad, l’armée syrienne est équipée essentiellement de matériel russe et s'organise sur le modèle de l’Armée rouge, avec de grands bataillons de chars.
En Syrie, il y a au total cinq puissances qui se mêlent au conflit : Israël, la Turquie, les États-Unis, en plus de la Russie et de l'Iran qui commande les milices irakienne, libanaise et afghane.
"Une indifférence internationale extrême"
Alors que les soutiens du dictateur se manifestent sur le terrain, les Etats qui défendent la population syrienne sont, quant à eux, absents. Un constat qui indigne Salam Kawakibi, directeur du Centre arabe de recherches et d'études politiques (Carep). Il dénonce l'"indifférence internationale extrême à l'égard du peuple syrien", notamment de la part de l'Union européenne, qui la rend partiellement complice. "L'Union européenne paye pour l'aide humanitaire mais elle reste très molle dans la prise de décision si on la compare à la Russie, par exemple, qui impose ses décisions", poursuit le chercheur. Une attitude qui peut s'expliquer par "l'absence de politique étrangère européenne unifiée".
En 2012, lorsque le général Manaf Tlassles, opposant au régime, est accueilli à Paris, les diplomates du Quai d’Orsay assurent que le président syrien abandonnera le pouvoir "dans les trois mois". Aujourd'hui ce n'est toujours pas le cas: "l'opposition est affaiblie et découragée", déplore le Salam Kawakibi . "En 2013, Barack Obama a refusé d'intervenir en Syrie lors de l'emploi d’armes chimiques par l’armée d’Assad, alors qu'il avait déclaré que tout usage d'arme chimique cassait les lignes rouges."
El-Assad, souverain de ruines
La Syrie se trouve aujourd'hui totalement "détruite", qualifie Salim Kawakibi. Près de 70% des Syriens vivent dans une situation d’extrême pauvreté, dans un pays "qui exportait du blé et qui maintenant est incapable de produire du pain pour ses citoyens". Le système d'éducation, auparavant reconnu, a été lourdement fragilisé. Deux millions et demi d’enfants, qu'on nomme "génération perdue", ne vont plus à l'école. Le taux de chômage est proche de 60%, l’espérance de vie a chuté de vingt ans depuis le début de la guerre civile en 2011 et le système de santé publique, autrefois efficace, manque sévèrement de moyens. Une grande partie des élites et des classes moyennes ont fui le pays, qui compte actuellement 13 millions de déplacés.
La Syrie, "qui a perdue 98 % de la valeur de sa monnaie", ne contrôle que "63 % de son territoire car 11 % est détenu par la Turquie et 28 % par les forces kurdes". Les experts parlent d'un état failli, qu'il va falloir reconstruire. Une reconstruction où l'Europe a un "rôle particulièrement important" à jouer pour restaurer la paix et la démocratie, selon le directeur du Carep. "La Russie demande à l'Europe que ça soit elle qui reconstruise la Syrie. L'UE va accepter mais à condition qu'il y ait une transition politique qui aboutisse au départ de Bachar el-Assad", explique le directeur.
Après dix ans de dégâts matériels, un bilan humain désastreux, des efforts en vain des ONG et une diplomatie passive, en Syrie plus que la fin d'une guerre, on recherche timidement une éventuelle alternative politique.
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Elena García