Affaire Bismuth : les ténors de droite continuent de soutenir Sarkozy
Après la condamnation de Nicolas Sarkozy ce lundi 1er mars à trois ans de prison dont un an ferme dans l’affaire des écoutes, la droite manifeste son scepticisme face au jugement, et dit craindre une “judiciarisation” de la société.
Le ton traduit le choc de la décision. Mardi matin, plusieurs responsables des Républicains se sont dit “étonnés” ou “préoccupés”, au lendemain de la condamnation de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison dont un an ferme pour avoir tenté d’obtenir des informations confidentielles auprès d’un magistrat dans l’affaire Bettencourt en échange d’un poste de prestige à Monaco. L'ancien chef de l'Etat a été reconnu coupable de corruption et trafic d'influence. Son avocate a indiqué lundi que celui-ci ferait appel de la décision.
Les ténors de la droite ont d’abord tenu à faire part de leur soutien à leur ancien chef. “Je suis étonné par une telle sévérité, comme beaucoup, pas seulement dans ma famille politique”, a assuré Christian Estrosi sur France 2, “inquiet” face à “cette judiciarisation de la vie politique”. “Je ne voudrais pas que tout cela conduise à la mort programmée de l’action politique”, a encore déclaré le maire de Nice.
Je suis préoccupé par la judiciarisation de la vie politique. Des suppositions sur un simple échange entre un client et un avocat ont mené à une condamnation lourde. Je m’inquiète que cela conduise à une inertie de la vie politique. #Les4V pic.twitter.com/iESeLF1dUI
— Christian Estrosi (@cestrosi) March 2, 2021
La droite remet en cause le jugement
Certains responsables des Républicains ont ouvertement exprimé leurs doutes face au jugement du tribunal correctionnel de Paris. “L’accusation est en réalité extrêmement fragile, a dénoncé le député européen François Bellamy ce matin sur Public Sénat. On reproche à Nicolas Sarkozy un coup de pouce qu’il n’a pas donné, au bénéfice d'un candidat qui n’a pas candidaté, en échange d’un service qu’il n’a pas reçu.”
Eric Woerth, de son côté, s’est montré encore plus offensif sur Radio Classique : “Je croyais que dans notre pays, on ne condamnait pas sans preuves, visiblement dans notre pays c’est pas le cas. On condamne Sarkozy sur des faits qui n’existent pas”. L’ancien ministre du Budget (2007-2010) de Nicolas Sarkozy a accusé la justice de dysfonctionnements, prenant comme exemple les écoutes réalisées entre Nicolas Sarkozy et son avocat, maître Thierry Herzog, également condamné hier et sur lesquelles repose l’accusation.
La veille, d’autres figures de la droite avaient également pris pour cible l’institution judiciaire. Christian Jacob, le patron des Républicains, demandait ainsi sur Twitter de faire “toute la lumière” “sur les méthodes et l'indépendance du Parquet national financier”, chargé de traquer la grande délinquance financière et qui portait l’accusation dans ce dossier. Un soutien était même venu du gouvernement, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et ancien protégé de Nicolas Sarkozy, témoignant en marge d’un déplacement de son “affection” et de son “respect” envers l’ancien chef de l’Etat, “qui a été un grand président de la République”. La gauche a immédiatement condamné cette prise de parole du ministre : "Cela apparaît comme un désaveu du travail de la justice et de la lutte contre la corruption dont il a la charge", a réagi François Kalfon, conseiller PS d'Île-de-France. "Sans commentaire", a tweeté le chef du parti, Olivier Faure.
Soutien indéfectible à @NicolasSarkozy. La sévérité de la peine retenue est absolument disproportionnée et révélatrice de l’acharnement judiciaire d’une institution déjà très contestée. Toute la lumière devra être faite sur les méthodes et l’indépendance du #PNF.
— Christian JACOB (@ChJacob77) March 1, 2021
Un "pacte de corruption" établi d’après dix-sept conversations téléphoniques
Le jugement rendu par le tribunal correctionnel se veut implacable. “Les délits dont les prévenus ont été déclarés coupables ont porté gravement atteinte à la confiance publique”, a-t-il déclaré. [...] Ce dévoiement portant lourdement atteinte à l’Etat de droit et à la sécurité juridique exige une réponse pénale ferme sanctionnant de manière adaptée cette atteinte.”
Les juges ont épluché dix-sept conversations téléphoniques de janvier à février 2014 entre Nicolas Sarkozy et son avocat, maître Thierry Herzog, condamné pour sa part pour corruption passive avec interdiction d’exercer son métier pendant cinq ans. D’après eux, ces conversations montrent que l’ancien Président a tenté d’obtenir des informations sur la saisie des agendas présidentiels dans le cadre d’une autre affaire, dite Bettencourt, par l’entremise du magistrat Gilbert Azibert auprès de ses pairs. Ce poste n’avait finalement pas été attribué et la Cour de cassation avait bien confirmé la saisie des agendas, mais l’intention suffit à caractériser le délit selon la cour, qu’elle qualifie de “pacte de corruption”.
Cette décision de justice porte lourdement atteinte à l’image de l’ancien chef de l’Etat, le premier condamné à de la prison ferme en France, que certains de ses soutiens rêvaient en recours providentiel pour l'élection présidentielle de 2022. Nicolas Sarkozy a en outre d’autres rendez-vous judiciaires à hauts risques ce mois-ci : le 17 mars débute son procès dans l’affaire Bygmalion, où il est accusé de “financement illégal” de sa campagne électorale en 2012.
Louis de Briant