Covid-19 : le sport en salle transpire le seum
La nouvelle aggravation de la crise sanitaire en France douche un peu plus l’espoir des associations de sport en salle de retrouver rapidement une activité normale. Après tout une année de chaos, les sportifs amateurs souffrent autant du manque d’activité physique que de la disparition du lien social.
À l’ouverture des débats parlementaires autour de la loi “visant à démocratiser le sport en France”, mercredi 17 mars, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a assuré “aux associations inquiètes par ces temps difficiles” que “l’État continuera de les soutenir”. Les aides financières débloquées par l’État ont en effet permis à la majorité des clubs sportifs de survivre tant bien que mal, notamment grâce au fonds d’urgence d’une quinzaine de millions d’euros déployé pour les petites associations par l’Agence nationale du sport (ANS).
Selon le dernier rapport du Conseil social du mouvement sportif (CoSMoS) publié le 10 mars, 40% des structures sportives gardent l’intégralité de leurs effectifs sous le régime du chômage partiel et seuls 2,6% des répondants déclarent avoir eu recours aux licenciements. Mais ces chiffres masquent la réalité du problème des associations de sport amateur, animées en grande partie par des acteurs bénévoles.
Découragés par la perte de leur rôle social, ces derniers déplorent la perte de 25% des licenciés sportifs. Les sports en salle souffrent singulièrement des restrictions qui ont conduit à leur fermeture pour les adultes, depuis le mois d’octobre 2020, puis pour les enfants, à partir du 14 janvier dernier.
Fatigue des écrans et troisième vague
Pour les sportifs amateurs, habitués des salles de sport, les fermetures représentent un manque en terme de dépense physique. Il crée aussi un vide social que certains ont du mal à compenser. Les sanglots montent à la gorge de Faustine, 27 ans, habituée des salles de sport, lorsqu’elle évoque la situation. “Ma salle, ça faisait partie de mon quotidien. J'y allais à pied, je pouvais retrouver les personnes à qui je ne parle pas mais que je connais comme ça, de vue.” Parmi tous les effets négatifs du Covid-19 depuis un an, c’est celui-ci qui affecte le plus la jeune femme. “J'ai besoin du sport mais je ne peux pas en faire chez moi. Je n’ai pas la motivation, j’ai besoin des autres.”
Pour accueillir ses adhérents, la salle de yoga parisienne Rasa Yoga s’était adaptée jusqu’à passer commande d’une machine de désinfection à UV pour nettoyer les tapis entre chaque séance. Seuls les professeurs pénètrent aujourd’hui dans la salle du Ve arrondissement de Paris pour dispenser leurs cours en ligne. Ces cours ont nécessité l’achat de matériel vidéo haute qualité, de projecteurs et de micros. “À douze euros l’heure de cours en ligne, ce n’est pas rentable”, regrette l’employée de l'accueil. D’autant qu’après un an, la fatigue des écrans fait fondre le nombre des participants aux sessions.
Maintenir le lien
Contrairement à la majorité des clubs de sport en salle, le Boxing Club Lille Fives n’a pas vu faiblir le nombre d’inscriptions. Son directeur Bachir Benyahia, dit Ben, se félicite même de recevoir de nouvelles demandes d’adhésion malgré la fermeture de la salle d’entrainement situé dans un quartier populaire à l’Est de Lille. “Je n’encaisse pas les chèques parce que, pour le moment, on ne peut toujours pas boxer normalement. Mais les gens ont envie de maintenir le lien avec le club, Alors ils m’écrivent, on se donne des nouvelles.”
Son club de boxe joue un rôle fédérateur et social bien au-delà de la simple pratique sportive. La communauté de jeunes qui s’est formée autour de la salle a survécu à la pandémie grâce à l’enthousiasme de l’entraineur charismatique. “Depuis le début de la pandémie, j’appelle mes champions un par un pour proposer des séances en plein-air. Ils sont contents, parce qu’il ne faut pas rester chez soi sans bouger.”
Après ses journées de travail dans les services administratifs de l’Université de Lille, Ben avoue pourtant n’avoir pas toujours le moral lorsqu’il rentre chez lui avant le couvre-feu de 18 heures, sans passer par la salle de sport. “Ce sont les échanges qui me manquent le plus, avec les parents, les enfants… C’est long.” L’hiver a espacé les rendez-vous et les championnats s’annulent les uns à la suite des autres.
Réunis au Comité national olympique et sportif français le 25 février dernier, les représentants de quinze fédérations de sport en salle ont alerté l’opinion publique sur les pertes de recettes et la déprime des clubs, des bénévoles comme des pratiquants. Quelques jours plus tard, l’Élysée a confirmé le déblocage de 100 millions d’euros promis sous la forme d’un Pass’sport. L’aide financière doit servir à prendre en charge une partie du coût d’inscription dans un club sportif pour les jeunes de moins de 16 ans. Pas de quoi faire bondir d’enthousiasme les associations de sport en salle au moment où la France, confrontée à une “forme de troisième vague” selon les mots du Premier ministre Jean Castex, se dirige vers des “restrictions renforcées”.
Léo Thomas