Vaccin AstraZeneca : les thromboses, un risque méconnu des femmes sous contraception hormonale

Pilule et thrombose
Pilule et thrombose : quels risques ? Crédits : Anna Shvets (Pexels)

La polémique autour du vaccin AstraZeneca a fait surgir dans l’actualité la thrombose, cette formation d’un caillot dans une veine. Méconnus, ces cas de thromboses touchent des femmes sous contraception hormonale, pilule en tête.

On a rarement autant entendu parler de thromboses que ces derniers jours. Si aucun lien entre le vaccin anti-Covid-19 d'AstraZeneca et cette formation d’un caillot dans une veine n'est encore prouvé à ce jour (même si une étude norvégienne est parue dans Le Monde et va dans ce sens), il en existe un, avéré, avec la prise de la pilule contraceptive. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dénombre chaque année environ 40 cas de thrombose pour 100.000 femmes prenant une pilule de troisième ou quatrième génération et 20 cas pour 100.000 femmes chez celles qui prennent une pilule de deuxième génération, moins dosée. L’œstrogène qu’elles contiennent épaissit en effet le sang et favorise donc la coagulation sanguine.

Ces chiffres de l’ANSM sont sous-estimés, selon Florence Markarian, présidente de l’Association pour les victimes d’embolie pulmonaire et d’AVC liés à la contraception hormonale (AVEP), qui préfère se fonder sur une étude de l’Agence européenne des médicaments (EMA) de 2013 : "Les thromboses concernent 50 à 70 femmes sur 100.000 pour les pilules de deuxième génération, explique la militante associative, et 90 à 120 pour les pilules de troisièmes et quatrièmes générations."

Sarah, 20 ans, en a été victime : "Depuis que je suis née, j’ai un petit angiome dans le dos, qui m’a déjà causé une phlébite. Alors il y a six mois, quand je suis allée chez la gynécologue, je lui ai bien précisé qu’il me fallait une pilule pensée contre les caillots. Elle m’a répondu que toutes les pilules se ressemblaient, et m’a finalement prescrit une troisième génération, en me certifiant que je n’aurais pas de problèmes." Pourtant, elle a fini par remarquer que son angiome avait doublé de volume et lui faisait mal. "Un caillot de sang s’est formé pile en son centre. Selon mon angiologue, il n’y a aucun doute, il est dû à ma pilule. Ça me fait peur, car les caillots peuvent dévier, or là il se trouve juste derrière mon cœur. Je dois prendre des anti-coagulants pendant 6 mois. Dès que la thrombose sera partie, j’arrêterai la pilule et me ferai poser un stérilet. Je suis impatiente de m’en débarrasser."

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Le risque de développer une thrombose selon la pilule utilisée, selon l'EMA (2013).

Un risque accru pendant la première année

Pour Danielle Hassoun, gynécologue-obstétricienne libérale à Paris et co-autrice de La Contraception (Vuibert), si le risque existe, il est faible. "La balance bénéfices-risques est en faveur de la pilule si vous ne désirez pas de grossesse. Aujourd’hui, plus personne n’accepte que le risque zéro n’existe pas." Pour elle, le danger dépend de différents facteurs, comme l’âge : "Si vous avez plus de 35 ans et que vous fumez, vous êtes plus exposée au risque de thrombose. Dans ce cas, il faut se tourner vers des pilules sans œstrogènes, sans risque mais moins pratiques car elles peuvent provoquer quelques saignements intempestifs. Quand vous prenez l’avion, il faut aussi penser aux bas de contention." D’autres facteurs sont à prendre en compte selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens français : hypertension, diabète, nausées ou encore surpoids. Enfin, les scientifiques s’accordent à dire que le danger est accru durant la première année de traitement.

Selon Florence Markarian, ces facteurs de risque ne sont pas suffisamment pris en compte par le corps médical : "Nous réclamons un dépistage des contre-indications avant toute prescription de pilule. Aujourd’hui, ce n’est pas systématique. Or, 10% de la population est porteuse de facteurs d’hypercoagulabilité."

Dans certains cas, les thromboses liées aux œstrogènes peuvent entraîner des embolies pulmonaires. Si elles ne sont pas traitées à temps par une prise d'anticoagulants et une immobilisation, elles peuvent provoquer des crises cardiaques et des décès, dans 2% des cas d’embolie. C’est ce qui a coûté la vie à la sœur de Florence Markarian, âgée de 17 ans. "On a été très choqués, c’est aussi soudain qu’un accident de voiture. Mon père était révolté de ne pas être au courant de ces effets secondaires. Il a donc créé l’AVEP en 2009 pour demander un changement dans les modes de prescriptions de la pilule, mais aussi pour donner la parole à d'autres victimes." Aujourd’hui, 685 témoignages sont recensés sur le site de l’association. En cas d’embolie pulmonaire, "il faut directement aller aux urgences et surtout signaler aux médecins que vous êtes sous contraceptif, et depuis combien de temps", précise Florence Markarian.

La pilule est le contraceptif le plus utilisé en France

Si ces effets secondaires gravissimes sont rares, ils s'ajoutent à ceux, plus ou moins bénins et plus fréquents, provoqués par la prise de pilule (baisse de la libido, sautes d'humeur, dépression...).  Ce qui n'empêche pas cette dernière de rester le moyen de contraception le plus utilisé en France. En 2016, 33,2% des femmes qui avaient recours à la contraception prenaient la pilule, contre 25,6% pour les dispositifs intra-utérins (les stérilets), selon Santé Publique France. Ces deux moyens contraceptifs sont en effet les plus efficaces, selon Danielle Hassoun.

Les moyens de contraception utilisés par les femmes de chaque catégorie d'âge en 2016 (Santé Publique France).

"C’est sûr que c’est le moyen le moins contraignant et le plus efficace", concède Florence Markarian. "Mais les risques sont encore trop peu connus, tout comme les alternatives, d’ailleurs." Des alternatives à la pilule, il en existe pourtant. Le site choisirsacontraception.fr peut permettre aux femmes de se renseigner, tout comme des comptes Instagram, tel "Ma vie après", "Pilule non merci" ou "Byebye pilule", qui fleurissent depuis quelque temps. Tous ont été créés par des jeunes femmes dans leur vingtaine, qui ont eu des expériences plus ou moins malheureuses avec la pilule et qui ont décidé d’accompagner celles qui décident, comme elles, d’arrêter.

Marion Mayer

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