AstraZeneca : "On a des arguments pour rétablir la confiance des patients"
Lundi 15 mars, la France a suspendu la vaccination par AstraZeneca, en attendant la décision de l’Agence européenne des médicaments qui sera rendue jeudi. Certains professionnels de santé redoutent une hausse de la défiance des Français et des soucis d'organisation.
"Ce cher Pasteur doit se retourner dans sa tombe", lâche Jean-Christophe Nogrette, président du syndicat de médecins MG France en Haute-Vienne. La suspension par Emmanuel Macron de la vaccination avec AstraZeneca, en attendant la décision de l'Agence européenne des médicaments ce jeudi 18 mars, ne passe pas auprès du syndicat. Mardi, lors d'une visioconférence, la directrice exécutive de l'agence Emer Cooke a d'ailleurs affirmé rester "fermement convaincue" du bénéfice du vaccin.
"Ça va évidemment plomber la confiance des patients, qui n'étaient déjà pas unanimes", regrette le médecin. "Mais on a des arguments pour la rétablir. Tous les ans, il y a environ 100.000 cas de thrombose en France et elle touche principalement les personnes âgées, rappelle-t-il. Les cas relevés ne correspondent donc pas du tout à une sur-incidence. Le rapport bénéfices - risques est clairement en faveur d'AstraZeneca. Il y a des tas de médicaments qu'on prend tous les jours et qui ont une balance bénéfices - risques bien moins intéressante !"
Selon lui, la décision d'Emmanuel Macron est politique : "Nos voisins européens ont pris cette décision, il ne pouvait pas continuer seul." Cette suspension ferait surtout perdre du temps sur la stratégie vaccinale. "Les listes d'attente s'allongent et on n'a pas de solution. On est en train de perdre du temps alors qu'environ 300 personnes meurent chaque jour du Covid, c'est l'équivalent d'un crash d'Airbus quotidien !"
La vaccination en pharmacie retardée
"Pourquoi cette suspension hier, à toute berzingue ? J'ai trouvé cette décision très politique. Et j'aurais aimé l'apprendre autrement que de la bouche de mes clients et de BFMTV", abonde Christine Salavert-Grizet, pharmacienne en Charente-Maritime et syndicaliste. Elle redoute un retard accru de la vaccination, qui s'ajoutera à celui des livraisons de doses et allongera encore la liste d'attente de ses clients.
Mais selon elle, la majorité des Français ne tiendra pas compte de cette brève suspension avant de se faire vacciner. "Ce matin à la pharmacie, je n'ai eu aucune réflexion de la part de mes clients. Ils ont confiance. Ils ont des comorbidités et veulent donc se faire vacciner. Parce qu'ils savent qu'ils risquent moins avec le vaccin que s'ils attrapent le Covid. Il y a même des personnes qui tentent de truander en s'inventant des pathologies pour être vaccinées plus vite !"
Sur le média Le Monde Pharma TV, le président de l'Union de syndicats de pharmaciens d'officine Gilles Bonnefond a rappelé la marche à suivre aux pharmaciens, pour conserver les doses notamment :
"Je fais confiance aux professionnels"
Adrien a 27 ans et est auxiliaire de vie. Il a reçu la première dose du vaccin AstraZeneca fin février, et doit recevoir la seconde début mai. Pour lui, pas d'hésitation. Il retournera se faire vacciner si la France le permet. "J'ai eu quelques symptômes grippaux les 24 premières heures, mais rien de plus. Je pense que le risque est assez faible en proportion. Et puis, si on veut s'en sortir, il faut bien qu'on développe une immunité grâce au vaccin !"
Isabelle, 59 ans, a reçu la première dose grâce à l'infirmerie de son travail début mars et a eu les mêmes symptômes qu'Adrien. "Depuis, je n'ai rien du tout." L'injection de sa seconde dose est prévue pour le 11 mai et elle ne redoute pas d'y aller : "Si c'est maintenu, j'irai. Je fais confiance aux professionnels."
Même son de cloche du côté de Marie, 23 ans, étudiante en cinquième année de médecine. Vaccinée le 12 mars en prévision d'un stage en réanimation, elle a eu des effets grippaux pendant une journée et demie, mais pas de séquelles depuis. Pour elle, la stratégie gouvernementale "ne fait vraiment pas sérieux. On met en place ce vaccin, puis on le suspend, je comprendrais que la population française se méfie !" Malgré tout, elle ira sans crainte recevoir la deuxième dose, si l'Agence européenne des médicaments rend un avis favorable. Ce sera certainement le cas, puisqu'elle maintient que les bénéfices du vaccin d’AstraZeneca contre le Covid-19 sont supérieurs aux risques.
Marion Mayer