Opération militaire AsterX : l’espace, nouveau terrain d’affrontement entre puissances
L’armée française a lancé mardi le premier exercice militaire spatial de l’histoire du pays, nommé AsterX. Une opération qui témoigne de la militarisation croissante de l'espace.
26 novembre 1965. Le premier satellite français, Astérix, s'élève dans le ciel algérien. En son honneur, l'armée a nommé AsterX le premier exercice militaire spatial de son histoire, conduit ce mardi 9 mars à Toulouse. Destiné à préparer les militaires français aux nouvelles formes de guerre, il témoigne de l'intérêt renouvelé des armées pour l'espace.
"La course à l’armement n’a rien de nouveau, explique Gaspard Schnitzler, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste des questions de défense. Ce qui change, c’est que l’espace était un champ plutôt préservé jusqu’ici, et c’est de moins en moins le cas." La création par Donald Trump d’une branche de l’armée spécialement dédiée à la guerre spatiale, la Space Force, en est l'exemple le plus probant, bien qu’elle ait été tournée en ridicule par certains.
Missiles antisatellites
De nombreux pays sont aujourd’hui capables de détruire depuis le sol des satellites en orbite autour de la Terre. "La Chine l’avait prouvé dès 2007 en détruisant un de ses vieux satellites météo à l’aide d’un missile balistique", rappelle Gaspard Schnitzler. La réponse américaine ne s’était pas fait attendre : en 2008, l’administration Bush avait elle aussi abattu un vieux satellite en fin de vie au-dessus de l’océan Pacifique. Depuis, les démonstrations de force se sont multipliées : l’Inde, en 2019, puis la Russie, la même année, la première à tester une arme antisatellite basée dans l’espace.
Au-delà de la destruction des satellites, d’autres techniques malveillantes peuvent être utilisées pour nuire aux intérêts de nations rivales. "Il est possible de faire du renseignement à l’aide de satellites butineurs, qui vont se placer à côté d’autres satellites afin de pomper leurs données", explique Gaspard Schnitzler. C’est ce dont est soupçonné le satellite-espion russe Louch-Olympe, qui s’était approché très près d’une quinzaine de satellites de communication en juillet 2019, dont le franco-italien Athena-Fidusun, exploité à des fins militaires. Enfin, la Chine et les États-Unis ont aussi développé des lasers capables d’aveugler les capteurs des satellites.
Des satellites gardes du corps
"Les satellites ont une importance stratégique majeure. Ils permettent par exemple de relayer les communications militaires ou de mener à bien des activités d'espionnage", explique le chercheur. Privé de ses satellites, un pays se retrouve donc "sans yeux et sans oreilles", poursuit-il. Une situation qui serait d’autant plus compliquée en cas de conflit. "Le positionnement GPS est utilisé pour n’importe quelle bombe ou tir de missiles donc, si on élimine ses satellites, on paralyse un pays." Ainsi, au cours de l’invasion américaine de l’Irak, 68% des munitions étaient guidées par satellite. Les rivaux des États-Unis sont conscients de cette faiblesse : un rapport de la Defense Intelligence Agency, le principal producteur de renseignement militaire étranger américain, souligne ainsi que les Russes "perçoivent la dépendance à l’espace comme le tendon d’Achille de la puissance militaire américaine".
Une course à l'armement difficile à enrayer
Malgré leur importance stratégique majeure, les satellites étaient jusqu’ici sans défense. Une situation en passe de changer : ainsi, après la visite du satellite espion russe Louch-Olympe, Florence Parly avait annoncé la création de satellites gardes du corps, afin de pouvoir faire face à ce genre d'intrusions. Quant aux armées, elles revoient leurs formations : "Afin de pouvoir fonctionner dans un environnement dégradé, l’armée de terre française veut absolument que les soldats continuent à être capable de s’orienter avec des cartes, et pas seulement avec la technologie GPS", note Gaspard Schnitzler. Une évolution similaire à celle que connaît la marine américaine, qui veut réapprendre à ses marins à s’orienter grâce aux repères astronomiques.
Comme l’expliquait un haut responsable du département d’État au Time, "impossible d’inspecter une satellite une fois qu’il est en orbite". Difficile, donc, d’imaginer que la course à l’armement spatial puisse être enrayée, d’autant plus que l’Iran, la Corée du Nord et le Pakistan ont déjà clairement affirmé leur volonté d’entrer dans le bal.
Léo Durin