En Polynésie française, les "clusters de cancers" hérités des essais nucléaires
Les essais nucléaires de l'armée française en Polynésie entre 1966 et 1974 ont eu des impacts sous-estimés sur la santé des Polynésiens. C'est ce que révèle une enquête réalisée par le média Disclose, publiée lundi 8 mars. Au moins 110 000 habitants de l'archipel du Pacifique ont été exposées à des retombées radioactives.
Clusters de cancers tyroïdiens, dissimulations de l'Etat, victimes non-indemnisées,... Les conséquences des essais nucléaires sur la santé et le quotidien des Polynésiens ont été sous-estimées. C'est ce que révèle une enquête menée pendant plus de deux ans et publiée lundi 8 mars par Disclose, un média d'investigation en ligne. En partenariat avec l'organisation Interprt, cette investigation dévoile des informations inédites issues de milliers de documents militaires déclassifiés par l'armée française en 2013. Une "catastrophe sanitaire et environnementale largement méconnue", selon le site. Les données récoltés par les journalistes sont présentées sur une plate-forme 3D.
Un lien entre cancers et essais nucléaires
Sur les 193 essais nucléaires effectués par la France en Polynésie de 1966 à 1996, les documents consultés ne s'intéressent qu'à 46 d'entre eux. Ils sont concentrés entre 1966 et 1974.
Si les autorités se défendent d'un lien entre ces essais et d'éventuelles conséquences sur la santé des habitants, un rapport confidentiel consulté par Disclose constate le contraire. Il existe un rapport entre le nombre anormal de cancers sur les îles "soumises aux tirs aériens" et les essais nucléaires, conclut le centre médical missionné par les gouvernements français et polynésiens, auteur du rapport. Contrairement à ce que concluait l'Inserm en février, qui était incapable de l'affirmer par manque de données.
Disclose a répertorié le nombre de cancers sur la principale île de l'archipel Mangareva aux îles Gambier, touchées à 31 reprises par les retombées atmosphériques des essais effectués en 1966 et 1974. Sur place, les journalistes ont rencontré plusieurs malades : voisins, proches, cousins. Tous ont en commun de compter parmi les 450 habitants de l'île présents lors du premier essai nucléaire de 1966. A cette époque, cet archipel est exclu du périmètre à risque, alors que le vent y envoie des retombées radioactives qui contaminent eau, sols et nourriture.
Au moins 110.000 personnes touchées
S'agissant de l'essai Centaure du 19 juillet 1974, "d'après nos calculs (...) 110.000 personnes ont été exposées à la radioactivité, soit la quasi-totalité de la population", souligne l'enquête. Grâce aux milliers de documents militaires étudiés, Disclose a expertisé les impacts de cet essai, révélant que les dépôts radioactifs au sol ont été sous-estimées de 40 %.
L'île de Tahiti a aussi été frappée par les retombées radioactives du nuage de cet essai raté. Sur France Info, le journaliste Thomas Statius, coauteur de l'enquête, déclare qu'à l'époque l'armée française "sait que les masses d’air poussent le nuage vers Tahiti, mais décide de ne rien faire. Les autorités locales et les populations civiles ne sont pas prévenues".