Les Suisses appelés à voter sur le port du niqab et de la burqa

Les Suisses votent ce dimanche 7 mars sur l'interdiction de dissimuler son visage dans l'espace public. Crédits : Steve

Les Suisses se prononcent ce dimanche 7 mars sur l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public. Ce texte, qui vise notamment les femmes musulmanes portant le niqab et la burqa, divise l’opinion.

La Suisse va-t-elle rejoindre les cinq pays européens, dont la France fait partie, qui ont interdit le port de la burqa et du niqab dans l’espace public? La population doit voter, ce dimanche 7 mars, l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public. Le texte, qui vise particulièrement les femmes musulmanes, divise l’opinion.

Il émane d’une procédure référendaire lancée par le comité d’Egerkingen, proche de l’Union démocratique du centre (UDC), un parti nationaliste de droite conservatrice également à l’origine d’une initiative contre la construction de minarets sur les moquées, acceptée en 2010 par 57,5 % des votants. Ce texte avait engendré la colère des pays musulmans et l’approbation des partis nationalistes européens.

Seulement "30 femmes concernées en Suisse"

Fin janvier 2021, un sondage de l’institut gfs.bern indique que 56 % des personnes interrogées prévoient de voter en faveur de l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public suisse. Mais en février dernier, à quelques semaines du vote, l’opinion semble avoir basculé. Un second sondage du même institut ne donne plus que 49 % d’opinions favorables au texte (avec 47 % de personnes contre et 4 % d’indécis).

Pour Roland Campiche, docteur et professeur de sociologie de la religion de l'Université de Lausanne ayant fondé l'Observatoire des religions en Suisse en 1999, ce texte vise “clairement” la population musulmane du pays. “L’islam ne représente que 5 % de la population en Suisse, c’est une minorité. Peu à peu, les gens se sont rendus compte que cette initiative ne visait que 30 femmes en Suisse. Hors, introduire un article dans la Constitution qui concerne si peu de femmes paraît disproportionnée.”

Plusieurs affiches placées par l’UDC à travers le pays illustrant des femmes en niqab accompagnées d’un slogan “Stopper l’extrémisme” ont été vandalisées. Le conseiller Andreas Glarner, membre de l’UDC, a même offert une prime de 2.000 francs suisse pour retrouver les coupables.

Le gouvernement et les autres partis suisses rejettent ce texte en faveur de la dissimulation du visage dans l’espace public et le jugent peu utile en raison du faible nombre de personnes concernées. Ils affirment également que la mesure empiète sur les compétences des cantons suisses, qui sont “libres de légiférer sur ces thématiques”, rappelle Roland Campiche. Quelques membres du Parti socialiste et du Parti libéral-radical sont néanmoins favorables au texte, estimant qu’il met fin à une discrimination envers les femmes.

Un texte "raciste et sexiste" selon les féministes

Roland Campiche explique que les militantes féministes se sont également élevées “contre cet ordre de ne pas porter la burqa en plaidant la liberté”. La porte-parole du collectif de féministes musulmanes “Les foulards violets” Ines El Shiks s’exprimait à la Radio télévision suisse (RTS) le 2 février dernier : “En plus d’être inutile, ce texte est raciste et sexiste, nous pensons qu’en 2021, en tant que féministes, il n’est pas acceptable que la Constitution suisse ait un article qui prescrive ou interdise une tenue aux femmes quelle qu’elle soit”.

Le camp adverse brandit l’argument de “l’égalité des droits”. Pour Jean-Luc Addor, porte-parole du “oui” et membre de l’UDC, il est question de “défendre les valeurs de notre civilisation”. Le parti nationaliste considère que le port de la burqa reflète des courants fondamentalistes de l’islam, incompatibles avec les valeurs démocratiques suisses. Vient ensuite l’argument de la “sécurité” défendu par deux tiers des partisans du “oui” auquel les opposants au texte répondent que l’interdiction de se camoufler le visage dans des situations spécifiques, comme en manifestation, suffirait. Enfin, 59 % des votants en faveur du texte considèrent que la burqa et le niqab "dégradent" les femmes, selon l’institut de sondage.

En Suisse, 100.000 signatures sont nécessaires pour que les citoyens se prononcent sur une proposition. L'initiative populaire “Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage a ainsi obtenu ces 100.000 signatures en 2017. Pour que l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public soit votée, il faut que le “oui” l’emporte à plus de 50 % dans la majorité des 26 cantons suisses.

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