Visite du pape en Irak pour soutenir une communauté chrétienne au plus mal
Le pape François commence ce vendredi mars sa visite historique en Irak, la première d’un souverain pontife dans le pays. S’il souhaite diffuser un message de paix, il va également apporter son soutien aux chrétiens irakiens, dont le nombre a drastiquement baissé depuis 2003.
Une visite historique en terre d’Abraham. C’est en Irak que la Bible situe la naissance du patriarche des trois monothéismes, et c’est dans ce pays que le pape se rend ce vendredi 5 mars, pour trois jours, porteur d’un message d’unité. Dans un message vidéo diffusé jeudi, le pape disait son désir de “prier ensemble avec des frères et sœurs d’autres traditions religieuses” et avançait que la figure d’Abraham réunissait “en une seule famille musulmans, juifs et chrétiens”. C’est toutefois à ces derniers qu'il compte parler en priorité.
La présence chrétienne en Irak remonte en effet à 2.000 ans. “Ce ne sont pas des chrétiens de l'émigration, ce ne sont pas des chrétiens de la colonisation, ils étaient là avant que nous soyons chrétiens”, retrace sur franceinfo Frédéric Mounier, journaliste à la radio chrétienne RCF et spécialiste du Vatican. Mais leur nombre n’a cessé de décliner ces dernières années.
Une communauté qui a fondu en l’espace de vingt ans
La communauté chrétienne dans le pays se compose aux deux tiers de catholiques (chaldéens, syriaques, latins et arméniens) et à un tiers d’orthodoxes. S’il n’existe pas de statistiques fiables quant à leur nombre, 400.000 chrétiens environ habiteraient le pays, soit 1% des 40 millions d’Irakiens. En 2003, ils étaient encore plus d’un million, entre 4 et 6% de la population.
L’intervention américaine de 2003 a constitué un tournant dans la perception des catholiques par le reste de la population : ils étaient soupçonnés, écrit le journal catholique, de “collaborer” avec l’occupant. Le pays connaît plusieurs vagues d’émigration de chrétiens, comme à Mossoul en 2008, après l’assassinat de de l’évêque chaldéen de la ville, Mgr Paulos Faraj Rahlo.
Peu de chrétiens de retour depuis la chute de l’Etat islamique
L’essor de l’État islamique dans le pays a encore aggravé leur situation. En 2014, plus de 120.000 chrétiens auraient trouvé refuge dans le Kurdistan irakien après la prise de Mossoul et de la plaine de la Ninive par Daesh, foyer traditionnel des chrétiens en Irak. Seuls 40% des chrétiens y seraient revenus aujourd’hui. À Qaraqosh, seulement la moitié des 50.000 chrétiens que comptait la ville avant la guerre sont revenus chez eux, estime RCF.
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C’est donc aux populations chrétiennes que le pape compte s’adresser avant tout. Dès Noël 2015, “le pape avait téléphoné aux réfugiés chrétiens à Erbil et leur avait dit : 'je viendrai'”, raconte Amir Jajé, un dominicain irakien versé dans le dialogue interreligieux, cité par Le Monde. Dès son arrivée, le pontife doit rencontrer le clergé dans la cathédrale catholique syriaque de Bagdad, avant de célébrer une messe le lendemain, puis de partir à la rencontre des communautés chrétiennes dans le Kurdistan irakien.
La “citoyenneté” plutôt que la “minorité” pour les chrétiens d’Irak
Soutenir les chrétiens n’est pas le seul objectif de François, qui compte également rappeler leur place en Irak, pays à 60% chiite mais multiconfessionnel. En cela, les mobilisations sociales irakiennes le servent : depuis dix-huit mois, les jeunes Irakiens manifestent contre la corruption et contre le confessionnalisme. “Les jeunes se sont révoltés contre ce système de sectarisme religieux et ils ont dit : 'Nous sommes avant tout Irakiens" poursuit Amir Jajé dans le quotidien du soir. Le pape va passer le message que nous sommes tous frères, tous fils d’Abraham.”
Le pape peut pour cela s’appuyer sur un document signé en 2019 avec le grand imam de l’université égyptienne Al-Azhar, Ahmed Al-Tayeb : un “document sur la fraternité humaine”, que le pape rêve de faire signer à l’ayatollah Ali Al-Sistani, la plus grande autorité chiite irakienne. La rencontre prévue entre les deux hommes samedi est le contact le plus élevé prévu entre le chiisme et le Vatican.
La notion de citoyenneté, mise en avant dans ce document, est en cela éloquente. Celle-ci repose sur l’égalité de droits et devoirs, écrit-il, par opposition au terme de “minorités”, “qui porte en lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité” et “prépare le terrain aux hostilités et à la discorde”. Ou comment arrimer un peu plus les chrétiens en Irak.
Louis de Briant