Vaccin contre le Covid-19 : le décollage du Spoutnik V en cinq dates

Les scientifiques russes affirment que le Spoutnik V est efficace à 92 %. Crédit : Flickr.

Le vaccin contre le Covid-19, Spoutnik V, pourrait bientôt être distribué dans l’Union européenne. En effet, l’Agence européenne des médicaments (EAM) a annoncé ce jeudi 4 mars avoir commencé l’examen du vaccin avant son déploiement.

Le vaccin Spoutnik V est en route pour l’Union européenne. L’Agence européenne des médicaments (EAM) a annoncé ce jeudi 4 mars avoir commencé l’examen du vaccin après plusieurs mois de méfiance. Un décollage incertain pour l'objet à haute valeur géopolitique qui promet pourtant un atterrissage réussi, le tout résumé en cinq dates.

11 août 2020 : Première apparition médiatique du Spoutnik V

C’est avec humilité que Vladimir Poutine annonce le 11 août 2020 la création du “meilleur (vaccin) au monde” contre le SARS-CoV-2. Le Spoutnik V, en référence au premier satellite soviétique envoyé dans l’espace et au V de la victoire, fait son entrée dans la course aux vaccins. Il est développé par le centre national russe d’épidémiologie et de microbiologie de Gamaleya à Moscou, soutenu par le fonds souverain russe (RDIF). 

Son PDG, Kirill Dmitriev, affirme que plus d’un milliard de doses ont déjà été précommandées par 20 pays étrangers et que la phase 3 des essais peut démarrer. La production de la fusée vaccinale est prévue pour septembre.

13 janvier 2021 : Poutine ordonne une “vaccination de masse” en Russie

Le chef du Kremlin vante une campagne “plus simple et plus efficace chez nous”. En effet, le vaccin n'a besoin d’aucune condition spéciale de transport, comme les températures glaciales. A contrario, le laboratoire Pfizer recommande pour la distribution de son vaccin de maintenir une température de stockage de -70°C lorsque le Moderna se préserve à -20°C comme le détaille Le Figaro.

Si Vladimir Poutine lance une “vaccination de masse” dans son pays dès le 13 janvier, il n'a, à 68 ans, officiellement pas reçu d’injection. Il a toutefois annoncé qu’une de ses filles avait bénéficié du vaccin, sans qu’aucune image ne soit diffusée.

16 janvier 2021 : Le président guinéen vacciné, Spoutnik V séduit les pays émergents

C’est sous l'œil des caméras que le président guinéen de 82 ans, Alpha Condé, reçoit sa première injection. Une piqûre relayée par le compte officiel du Spoutnik V.

Rapidement, la Biélorussie, l’Argentine, le Venezuela, la Bolivie, la Serbie, la Palestine, l’Algérie et le Kazakhstan passent commande. Argument de poids, le Spoutnik V ne coûte que 8,30 euros contre 14,68 euros pour celui développé par Moderna. De quoi peaufiner la communication autour d’un vaccin accessible à tous.

Le 18 janvier, le compte Twitter du vaccin abonde : “S’il vous plaît, retweetez ce message si vous pensez que les vaccins devraient être au-dessus et au-delà de la politique. Et que les habitants de tous les pays ont le droit d’avoir accès à tout vaccin sûr et efficace sans préjugé ni parti pris politique. #VaccinSansPolitique”.

2 février 2021 : consécration scientifique, silence politique

C’est finalement l’analyse de l’essai clinique du Spoutnik V présentée dans la revue scientifique The Lancet qui apporte un élément capital au débat sur la dangerosité supposée du vaccin russe. Elle fait état d’une efficacité de 91,6 % après deux injections et ne met pas en évidence d’effets indésirables notables. Un atout, notamment vis-à-vis du vaccin d’AstraZeneca, que la Haute autorité de santé française ne recommande pas au-delà de 65 ans, faute de données sur les personnes âgées.

Une revanche également pour la recherche et le gouvernement russes. Dans un commentaire joint à l’étude, The Lancet rappelle que “le développement du vaccin Spoutnik V a été critiqué pour sa précipitation, le fait qu’il ait brûlé des étapes et une absence de transparence. Mais les résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette vaccination est démontré”.

A l’international, les conclusions scientifiques ne sont pour autant pas saluées. Pour cause, ce même 2 février, la presse fait sa une sur l’emprisonnement de l’opposant à Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, condamné à trois ans et demi de prison, quelques mois après son empoisonnement.

4 mars 2021 : Spoutnik V en route vers l’Union européenne

Alors que l’Union européenne reste muette face au Spoutnik V, certains pays membres décident de ne pas attendre l’autorisation communautaire pour distribuer ces vaccins. Une directive européenne de 2004 autorise les Etats à utiliser des médicaments non-autorisés par l’Agence européenne des médicaments (AEM) en cas d’épidémie, mais ils en portent l’entière responsabilité. La Hongrie accorde ainsi une autorisation temporaire d’urgence au vaccin russe dès le 21 janvier. “Vu la vitesse à laquelle arrivent les livraisons de vaccins de Bruxelles, nous n’avons pas d’autre choix que de nous approvisionner par d’autres voies”, raille alors le chef de cabinet du premier ministre hongrois.

Le 2 février, c’est Angela Merkel qui se dit ouverte, sous condition, à l’idée d’utiliser le Spoutnik V en Europe, félicitant des “bonnes données” scientifiques publiées dans la revue britannique The Lancet.

Parallèlement, les développeurs du vaccin affirment avoir soumis le dossier pour approbation au régulateur européen, resté lettre morte. De son côté, l’AEM soutient ne rien avoir reçu.

L’Agence européenne des médicaments (AEM) annonce finalement le 4 mars avoir commencé l’examen du vaccin russe, en vue de son déploiement dans l’Union européenne. Les autorités russes se disent prêtes à fournir des vaccins à 50 millions d’Européens à partir de juin.

Fanny Ruz-Guindos-Artigue

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